L'Homme qui subit la légende

De tous les maîtres étalons du western, je n'ai jamais vu un seul film de John Ford à l'exception peut-être de la Poursuite Infernal mais ça date. Etant donné que mon mantra est maintenant de découvrir des films afin d'enrichir ma cinéphilie mon choix s'est porté sur ce film avec 2 poids lourds du Hollywood Classique : James Stewart et John Wayne : L'Homme qui tua Liberty Valance. Un film culte s'il en est car son histoire a inspiré pas mal de gimmicks qu'on retrouve dans les films reposants sur des légendes avortées.

L'Homme qui filma John Wayne et James Stewart

En terme de réalisation, on est sur du western plus intimiste qu'héroïque. Je n'ai même pas eu l'impression qu'on assistait à du western, mais à un drame humain. La réalisation est très propre et les transitions très fluides. J'hésite à dire si la réalisation est dans le ton des films des années 60 car l'autre western que je connais et qui est dans cette veine de cette période est les 7 Mercenaires de John Sturges (Il était une fois dans l'Ouest apparaîtra bien plus tard). On sent qu'il s'agit bien d'un western américain dans la mesure où le film met plus en avant des héros plutôt que des figures iconiques. Malgré le faite qu'on reste dans du classique, le réalisateur permet aussi de nous faire douter à certains moments et cela c'est cool. Le film reste simple mais c'est cette simplicité qui donne toute son identité. Mais par dessus tout, ce sont les personnages tous aussi intéressants les uns que les autres.

Le Choc des Icônes

Ce film est génial car il met en scène 2 figures du Hollywood classique qui avaient opéré dans des registres assez différents. Tom Doniphon alias John Wayne et Ransom Stoddard alias James Stewart. Leurs personnages sont volontairement assez caricaturaux. John Wayne est la figure du cow-boy dur à cuire, prêt à dégainer au moindre pet de travers et un anti-héro un peu rustre alors que John Stewart est un homme de loi qui ne prône pas la violence. Malgré leur différence, ils se voueront un certain respect, mais malgré eux une certaine rivalité pour le cœur de Hallie

Liberty Valance (Lee Marvin) est l'archétype même de la brute. C'est une menace permanente de la ville où le shérif est vraiment démissionnaire. Seul Tom arrive à lui tenir tête mais il s'est rapidement pris à Ransom qui l'a décrété comme son ennemi. C'est un très bon antagoniste à Ransom et merci le titre qui spoile déjà sa mort (ou pas)

Les autres personnages sont assez secondaires mais quand même marquant. Ils ont tous un coté personnages enfantins qui doivent être éduqués

Hallie (Véra Miles) est la femme principale du film. Elle est dans le film très attachée à Ransom et semble ne pas supporter Tom. Comme tous les autres elle ne sait pas lire et écrire.

Marshall Link Appleyard (Andy Devine) est un shérif un peu simplet et benêt en manque d'autorité. Il est respecté de la ville mais pas de Liberty Valance.

On a aussi l'employé de Don , Pompey (Woody Strode) , le journaliste Dutton Peabody (Edmond O'Brien ) qui sera la victime de trop pour Liberty Valance, le couple qui héberge Ransom qui donne au village une allure de bons vivants mais toujours sous la menace du bandit.

Il ne faut pas oublier non plus les 2 complices dont Reese (joué par Lee Van Cliff avant qu'il soit bien plus mise en avant dans le Bon , la Brute et le Truand)

L'Homme qui voulut combattre la violence

Cette histoire est assez intéressante car elle remet en question les valeurs d'un homme de loi dans l'ouest sauvage dont il ne comprend pas les règles. Des règles dont ne semblent pas adhérer la population quand on voit l'acceptation Ransom et le fait qu'il soit presque une figure paternelle pour eux, contrairement à Dom dont le caractère rustre est partiellement rejeté. Dom qui est vraiment l'archétype même du cow-boy mais dont les manières ne plaisent pas. Cela dit Ransom lui-même est tenté à vouloir devenir comme Ransom afin d'affronter Liberty, au grand désarroi de Hallie. Et au fur et à mesure où la montée en tension progresse, le personnage de Ransom plonge de plus en plus dans la tentation de devenir comme Dom. Mais il n'est pas Dom et l'affrontement entre lui et Liberty en est la preuve. Du coup l'histoire prend des allures d'une légende qui se construit et d'un héro qui pour sauver son honneur a essayé de devenir la figure qu'il n'est pas, mais qu'il deviendra pour la postérité. Il est l'Homme qui tua Liberty Valance mais la vérité est plus compliquée que ça, mais c'est ce que le monde retiendra. C'est assez bien quelque part mais assez triste car on lui a attribué une image qu'il ne lui correspond pas et qu'il a bien failli s'en convaincre. C'est même dans cette parti que Dom possède un coté plus chevaleresque qu'il a toujours eu mais qu'il ne l'a pas montré aux autres (mais qui est reconnu de ceux qui connaissent la vérité). Cela donne au film une allure de western plus orienté drame humain qu'action.

« On est dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende !

Ce film est vraiment bien fait et assez à contre courant des westerns dont on s'attend à voir. Devenu culte, le style d'histoire sera reprise un peu dans certaines histoires qui prennent en compte cette différence vérité/légende (comme dans le récent album de Lucky Luke (le hors série), un épisode de Batman TAS qui y fait référence, Gang de Requin etc etc... ). John Ford fera par la suite 6 films dont un documentaire post-mortem, tous du genre du western. John Wayne troquera son colt pour rejoindre l'armée dans le culte Jour le Plus Long et James Stewart continuera dans le western dans la Conquête de l'Ouest et Les Cheyennes (avec John Ford) tout en jouant dans M Hobbs en vacances. Bref, que des films à voir !