L'homme qu tua Liberty Valance est un peu le grand frère d'Il était une fois dans l'Ouest, qui sortira 6 ans plus tard.
Sur des thèmes sensiblement comparables, la fin de l'Ouest sauvage et l'arrivée de la civilisation par le biais du chemin de fer, le déclin des cowboys purs et durs, il signe en parallèle la disparition progressive de tout un pan du genre western, et l'avènement d'un autre.
Pour incarner le pied-tendre porteur de modernité, un James Stewart plus magistral que jamais dont la voix profonde et posée assied définitivement la prestance que cet avocat du barreau ne peut obtenir par la force.
Contrepoint presque caricatural, John Wayne campe le cowboy old school, qui dégaine avant de dire bonjour. Je n'ai jamais eu de réel coup de foudre pour l'homme le plus classe du monde, que je trouve "too much" dans la plupart de ses films. Presque cabotin.
À noter également l'apparition d'un Lee Van Cleef bien jeune, que je n'ai pas reconnu avant le milieu du film.
Je crois bien que c'est mon premier John Ford, sans doute pas le dernier mais, si j'applaudis la justesse du montage et certains plans intéressants, il n'y a que peu à dire concernant la réalisation dans son ensemble (oui ça va faire hurler les puristes).
Tout réside plutôt dans le discours tenu, qui rejoint à la fois Il était une fois dans l'Ouest, je l'ai dit, mais peut-être aussi des oeuvres plus récentes comme L'assassinat de Jesse James.
Ou comment, finalement, le choix de sortir de l'obscurantisme peut être porté et incarné en apparence par des têtes nouvelles pour des questions de crédibilité, mais la décision elle-même doit sans doute revenir à ceux qui y semblent les plus réticents au départ, sans quoi la situation ne sera pas tenable.
Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher la "petite" surprise du film, même si celle-ci est diablement prévisible.
Du point de vue de l'intrigue, le plus palpitant sera donc bien ce glissement vers un nouveau mode de vie, et guère cette rivalité amoureuse sans grande originalité et d'ailleurs intégrée sans grande conviction, du moins c'est mon avis.
Au niveau symbolique il est intéressant de noter les arguments des opposants, prônant la liberté de mouvement, l'Ouest sauvage et la loi du plus fort.
Sans que John Ford ne prenne ouvertement position, on relèvera tout de même que l'obstacle majeur sur le chemin de cette civilisation s'appelle Liberté, et qu'il faudra se résoudre à le tuer pour que James Stewart arrive à ses fins.
De là à dire qu'il instille dans son film une touche de nostalgie envers ce temps révolu, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai point.
Bref malgré un âge qu'il commence quelque peu à accuser, Liberty Valance reste un excellent film, y compris pour moi qui dispose d'une culture western fort limitée.