Dans les rares films où je l'ai vu, j'ai souvent eu du mal à prendre Edward G. Robinson au sérieux. Si je l'avais trouvé convaincant dans son dernier rôle, l'excellent "Soleil vert", je trouvais sa prestation dans "Key Largo" stéréotypée : un gangster générique et basta. Mais ici, il sauve le film du pire.

L'histoire tourne autour de Wong Low Get, "hatchet man" d'un important clan chinois de San Francisco, la Lem Sing Tong. Un "hatchet man" est un bourreau qui exécute les arrêts de la Tong au nom de la justice de Bouddha. Wong se trouve devoir tuer son meilleur ami. Tous deux acceptent ce cruel destin, mais Wong élève sa fille Toya, pour se racheter, puis parce qu'il en tombe amoureux.

15 ans passent, Chinatown est devenue bien plus calme, la hachette dort. Toya s'est américanisée. Wong, progressiste, lui demande de l'épouser. Malgré la différence d'âge, elle accepte, après avoir hésité. Une guerre des gangs menace : Wong doit s'absenter et règle son compte à un escroc à Sacramento. Pendant ce temps, Toya lui est infidèle, et sort avec un ancien flirt, qui se trouve être le garde du corps imposé par la Tong. Lorsque Wong les surprend, il refuse de tuer le jeune homme, car il a promis de chercher le bonheur de Toya, et que celle-ci dit l'aimer. Déshonoré, Wong quitte Chinatown et devient travailleur de force dans les champs de coton. Une lettre de Chine de Toya, qui a été vendue par son prétendu amant à une "maison de thé", l'oblige à régler les choses une bonne fois pour toute.

Ce film part sur de très mauvais rail. La scène d'ouverture début sur deux personnages secondaires dont on voit tout de suite que ce sont des WASP qui jouent au chinetoque. Et ça ne passe pas, mais vraiment pas du tout. J'étais effondré.

Et puis dès que Robinson se pointe, avec ses yeux naturellement en amande, ses expressions minérales-mais-sans-forcer, sa raideur, déterminée mais sans lyrisme, le film se redresse petit à petit. Il faut aussi tenir compte qu'on est au début du parlant, ce qui implique des films qui cherchent encore le rythme de ce nouveau format. Les autres acteurs s'en sortent en limitant les dégâts, mais Robinson est véritablement crédible. Il a de ces expressions, de ces démarches qui nous font comprendre comment fonctionnait le cinéma des années 1930. Par exemple quand il rentre de sa dure mission à Sacramento, où il a tué pour ramener la paix. Lui et l'aîné de la Tong rentre chez lui avec une bonhommie lasse qui est celle du devoir accompli. Ce genre de détail fait pardonner le début catastrophique du film.

Car encore une fois, un cinéaste américain s'essaie à entrer dans l'univers de la communauté chinoise et n'arrive qu'à réutiliser le décorum pour raconter l'histoire d'un héros à l'Américaine. Un individualiste incompris, qui essaie d'être fidèle aux principes qu'on lui a inculqués, puis qui décide de les abandonner quand ils vont contre ce qui lui semble plus cher. Un gars aussi qui, dès qu'il est sûr d'avoir trouvé la bonne fille, va la chercher dans un bordel et sait montrer les dents pour la garder.

Donc bon. Ce film n'a rien d'un documentaire sur la communauté chinoise (pari que personne n'a réussi jusqu'à présent), c'est juste un film agréable, avec une intrigue comme on les aimait dans les années 1930 : la femme naïve qui amène la chute du héros, mais se rachète en réalisant qu'elle s'est fourvoyée en amour. Pas très féministe, tout ça. ^^
zardoz6704
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le 18 févr. 2014

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