Il y a ici quelques scènes qui font désormais parties de mon panthéon des scènes les plus difficiles à regarder (indice: des hameçons), mais faut croire qu'au-delà de cette violence coutumière (pas toujours aussi graphiques me dira-t-on) chez Kim Ki-Duk je suis sensible à ce qu'il peut proposer, ces histoires en apparences stoïques (voir racoleuses pour certains) qui sont finalement trahis par une charge émotionnelle qui perce les maux des sujets qu'habitent le films de Kim.


Si ce n'est pas un film sur le sadomasochisme, le film est bien sadomasochiste. Car si les deux protagonistes du film sont peu avares en paroles contrairement aux personnages secondaires bavards (une curieuse constante bien appréciée dans le cinéma de Ki-Duk), ils finissent par communier dans le sexe et la violence (encore ces hameçons de malheurs me reviennent en tête), même parfois les deux à la fois (une autre constante alternative de la non-communication chez Ki-Duk). D'ailleurs, si je peux aimer le cinéma verbeux, comme celui de Rohmer ou Blier, j'apprécie le mutisme calculé du cinéma de Kim Ki-Duk, car parce que nous suivons le point de vue des protagonistes, nous n'avons pas besoin qu'ils s'expriment verbalement (c'est bien ça aussi la force du langage cinématographique).


J'estime bien trouvé cette idée de situer l'action du film sur un lac et plus précisément ces cabanons flottants. À chacun sa bulle, chacun son isolement, tout ça dans un calme qu'on reconnaît des pourvoiries qui contraste avec le côté déviant du film. Aussi, soulignons ce lien d'une poésie troublante avec la pêche et la nature violente de la relation entre les protagonistes, ces derniers qui s'hameçonnent vers la tendresse tout comme ces poissons qui se dirigent à leur mort. D'autant plus qu'avec cette dernière scène bien surréaliste et poétique, ledit lac renvoie chez le protagoniste (et notre imaginaire de spectateur) un semblant de matrice là où naissent les instincts primaires avant la tendresse, la paix et la plénitude.


Cela dit, il y a de ces films, à mon humble avis, qui réussissent à transformer la douleur en expérience esthétique sans passer dans les lieux communs gênants de la moralité et ce film en fait partie.

tartar_ottavien
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le 13 août 2018

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