Avec d’un côté une mise en scène parfois géniale, comme la course-poursuite finale, petit bijou de suspens, parfois vaine et prétentieuse, comme de nombreux plans séquences dans la boîte de Carlito, parfois stéréotypée, comme la scène de retrouvaille amoureuse (plan circulaire jusqu’au vertige), et d’un autre côté un scénario, des dialogues et des personnages plutôt caricaturaux mais un destin tragique aspirant au sublime, L’impasse alterne entre le génie et la médiocrité.
Le personnage de Carlito cristallise toutes les ambitions de De Palma : personnage à la fois regard-caméra à partir duquel l’on voit, entend, perçoit, … (la porte ouverte, le pistolet qui dépasse, les mafieux revanchards qui le suivent, …) et metteur en scène qui dirige et organise le mouvement dans l’espace (autour d’une table de billard, dans la gare, le métro, …). Il incarne son alter ego de l’autre côté de la caméra, désormais plus sobre et moins agitée, à l’écart de l’excitation des nouvelles générations. Al Pacino, plus sage et assagi, au visage marqué par le temps (et non plus par les cicatrices comme dans Scarface, de 10 ans plus jeune), campe tant bien que mal ce caïd mourant d’envie de devenir retraité – tant bien que mal car Al Pacino convainc davantage lorsqu’il s’agit de faire rire au moment où la tragédie surgit, comme dans L’épouvantail ou Panique à Needle Park.
Reconnaissons aussi que De Palma joue sur bien des stéréotypes concernant le milieu, les rapports de force, les dialogues, la psychologie des personnages, … parfois à la limite du grotesque (les retrouvailles avec Kleinfeld au bar, la présentation de Benny Blanco, Lalin l’homme au micro, la dispute avec Gail, …). Les acteurs semblent même ne pas y croire eux-mêmes, Al Pacino en tête. Toutefois cette chute annoncée, fatale et inéluctable, comme dans les films noirs, revêt un charme indéniable, tout comme l’irrésistible danse séductrice de Gail pour qui on vendrait son âme au diable.