Ce film possède une narration propre qui s’éloigne des précédents récits plus linéaires de Kore-eda. L’histoire est racontée plusieurs fois à travers les yeux de plusieurs personnages : la mère, un professeur et finalement l’enfant lui-même. Kore-eda est à son aise pour interroger le monde adulte à travers les yeux enfantins qui sont comme autant de pages vierges. L’incendie du début du film ne prendra son sens qu’au fur et à mesure du déroulé de l’histoire, comme la traduction d’un feu intérieur qui consume l’enfant. J’ai tout d’abord cru à une histoire de harcèlement scolaire dans un monde incapable de communiquer ses sentiments. C’est par petites touches que Kore-eda instille le doute : « voyons-nous vraiment ce qui se passe sous nos yeux d’adultes ? ». Le doute vient du fait que l’on peine à comprendre si l’enfant est victime ou auteur du harcèlement et de la violence qui l’accompagne. Quand le film passe du côté « adulte ». Le coupable semble évident. Tout pointe vers un professeur qui se voit accusé de maltraiter ses élèves et forcé de présenter des excuses sans comprendre ce qu’il a bien pu faire de mal. Les scènes d’entretien entre la mère de l’enfant, les professeurs et la directrice sont exceptionnelles par la narration silencieuse des non-dits et de l’impossibilité pour ces adultes de communiquer simplement sur des faits. Ne pas perdre la face quand on ne comprend rien à ce qui se passe semble être le ressort qui anime cette brochette d’adultes dépassés. De « monstre », le professeur devient à son tour victime à en devenir presque fou. L’incompréhension et l’impossibilité de communiquer sont clairement abordées dans la seconde partie du film quand le regard devient celui de l’enfant en train de grandir. C’est là que le talent de Kore-eda éclate à mes yeux. Les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être « ni gentils ni monstres » adultes et enfants sont tous enfermés dans des rôles que leur assigne leur milieu. Les attitudes débouchent sur des perceptions tronquées du réel que l’incommunicabilité rend inextricables. On comprend l’impossibilité d’être soi, à face à une société qui cultive les faux-semblants, quitte à sacrifier les uns ou les autres pour sauvegarder les apparences. Les raisonnements simplistes et l’ignorance ne sont plus que des excuses pitoyables pour les uns et les autres. La découverte de son homosexualité par le jeune héros devient la petite pièce qui construit le puzzle. Kore-eda passe un message : le seul moyen d’exprimer sa douleur dans un tel monde est l’art ». La scène des instruments de musique est à cet égard de toute beauté. Kore-eda filme juste, en particulier les scènes dans la salle de classe ou celles de l’intimité des petits appartements japonais. On est ici aux antipodes des clichés ou des effets spéciaux. Je suis entré perplexe dans la salle et en suis ressorti conquis.