le 27 déc. 2023
Monstres en compagnie
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Ça aurait pu être un très grand film.
L'idée d'une trame simple, déclinée en trois perspectives distinctes, était très belle sur le papier. Saori, mère tourmentée, s'oppose à M. Hori, professeur malchanceux et accusé à tort par Minato, garçon sensible qui peine à s'exprimer. À chaque regard, une vérité nouvelle se dessine, des zones d’ombre se dissipent ou s'épaississent...
...Mais surtout s'épaississent ! Au final, on ressort du cinéma plus désorienté qu'éclairé.
Alors on se remet en question. Peut-être est-ce nous, spectateurs, qui n’avons pas saisi toutes les subtilités de ce scénario, ironiquement, récompensé à Cannes. Était-ce l’intention du film de nous perdre ? Faut-il le voir comme un Chinatown, où la vérité reste à jamais inaccessible, ou comme un Rashōmon (parallèle souvent cité), où la relativité des points de vue empêche d’accéder à une vérité universelle ?
Je ne pense pas. Il me semble que le film cherche clairement à créer de l'étrangeté et du suspens dans sa première partie pour nous dévoiler peu à peu chaque élément dans ses suivantes dans une visée "rationnalisante".
Et c'est là que le bât blaisse, car certaines scènes livrent des explications assez difficiles à croire, voire qui amènent de nombreuses interrogations. Par exemple, comment comprendre que le professeur soit accusé de fréquenter un bar à hôtesses alors qu'il ne semble aucunement lié à celui-ci ? De même, les accusations de violence portées à son encontre par Minato, Yori et plusieurs camarades manquent cruellement d’explications. Sans parler des tentatives maladroites du corps enseignant pour protéger la réputation de l’établissement (sans doute une critique de l’institution) ni de la tonalité absurde (où les enseignants semblent tous body-snatchés par une force invisible) qui détonne fortement avec le reste du film. Sans parler de la séquence de la gomme ! Et pour couronner le tout, le troisième segment inverse carrément certaines séquences dans leur chronologie...
En somme, le film semble vouloir tout rationaliser, mais échoue en grande partie à le faire. Comme s'il essayait de se dépêtrer d'un scénario trop complexe pour lui. Finalement, c’est la frustration qui domine, celle d’être passé à côté de quelque chose. Et c'est vraiment dommage car de nombreuses fulgurances brillent à certains endroits du film.
Notre changement de point de vue sur le comportement étrange de Minato, successivement harcelé, puis harceleur, avant d'être ni l'un ni l'autre est une prouesse de mise en scène !
C’est notamment dans son troisième segment que le cinéma kore-edien reprend toute sa force, avec la naissance d’une amitié ++ entre deux enfants magnifiquement interprétés. Tous les instants où ils se réfugient dans ce train abandonné, au cœur de la nature, fonctionnent particulièrement bien. On ressent pleinement ce jardin secret, ce refuge à l’abri des regards et du jugement du monde. Quelques éclats d’interprétation rappellent même la finesse des acteurs de Nobody Knows. La troisième partie, à elle seule, semble porter tout le film.
Néanmoins, je ne dirais pas qu’il aurait mieux valu ne garder que cette troisième partie. L’idée du scénariste Yuji Sakamoto de juxtaposer trois versions d’une même histoire illustrent de façon intéressante l’incommunicabilité entre les personnages, tous séparés par des écarts de génération ou des murs construits par la société japonaise. Le fameux plan de la vitre qui se couvre et se découvre de boue chaque fois que Saori et le professeur tentent de la nettoyer illustre avec originalité cette opacité.
De plus, on pourrait trouver quelque chose d’intéressant dans cette juxtaposition cyclique d’un même événement qui rappelle l’idée de renaissance et de réincarnation, traversant tout le film. Chaque segment commence par le même incendie et se termine par le même typhon. L’eau, l’air, le feu et la terre encadrent les limites du récit et l’intègrent dans un Tout spirituel en lien avec une nature déchaînée.
Ainsi, peut être que tout cela n'est pas à prendre au pied de la lettre et que mon regard d'occidental m'empêche d'en saisir toutes les subtilités. La part métaphorique du film semble assez importante. Quoiqu'il en soit, une distance s'est créée entre moi et le film, ce qui ne m'a pas empêché d'être touché par la plupart des scènes, mais qui ne m'a pas permis d'en ressentir pleinement l'émotion, avec regret.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Festival de Cannes 2023, Les meilleurs films de 2023 et Les meilleurs films de Hirokazu Kore-eda
Créée
le 22 mai 2025
Critique lue 11 fois
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