C'est assez troublant de voir à une semaine d'écart L'étranger et cette ultime réalisation de Visconti. J'y ai retrouvé un personnage masculin assez similaire : froid, en parti désensibilisé qui porte sur un monde un regard absent sans la moindre empathie, décrivant ainsi cliniquement à son épouse son attirance pour sa maitresse comme si cette dernière était capable de couper ses émotions. Justifier son comportement par son athéisme m'a un peu dérangé même si d'un pure point de vue symbolique, la perte de valeur du "sacré" est plutôt pertinente.
Bien que l'ayant vu en étant très fatigué, j'ai beaucoup apprécie le rythme de sa narration qui joue fortement sur la durée des prises de vues pour y distiller une tension psychologique intrinsèque qui rend chaque plan indispensable à la progression du film. Il y a là une assurance et une maturité dans le timing et la direction d'acteurs remarquables. Les 130 minutes ne se ressentent jamais, pas plus que la "lenteur" de la narration, la retenue des émotions ainsi qu'un canevas finalement très simple, presque épuré où 75% du film se déroule à 2 ou 3 intervenants dans un nombre réduit de pièces.
Sans être forcément intense ou palpitant, le film déploie des flammes non de plus en plus vives mais de plus en plus brûlantes. Un peu à la manière des grenouilles immergées dans de l'eau froide et qui ne se rendent pas compte de l'augmentation de la température, l’innocent provoque un sentiment que j'aurai du mal à définir clairement mais qui bâtit scène après scène un malaise indéfini et difficilement caractérisable avant que la pression n'explose avec la séquence de la messe de minuit.
On n'en ressort pas bouleversé ou même ému mais avec une réelle blessure morale entêtante et tout autant durable ; comme les nombreux regards lancés par les protagonistes et qui deviennent obsédants.