Ce n'est pas la première fois que je vois un film de Mizoguchi. J'avais vu l'impressionnant "les amants crucifiés" il y a quelques années et qu'il faudrait que je revoie.
Surtout après avoir découvert aujourd'hui "l'intendant Sansho" qui place l'action dans un Japon féodal (XI-ème siècle) comme, d'ailleurs, "les amants crucifiés".
Je ne connais pas suffisamment Mizoguchi pour situer ce film dans son œuvre ni dans un itinéraire politique. De fait, Mizoguchi va s'appuyer sur un drame familial pour évoquer l'esclavage et la prostitution dans la société japonaise de cette époque. En effet, on comprend au début du film que le gouverneur d'une province, personnage normalement très puissant, est soudain destitué pour avoir voulu apporter un peu d'humanité à une population d'esclaves ou de gens très pauvres. Cette destitution s'accompagne de la séparation d'avec son épouse Tamaki et ses deux enfants Zushio et Anji amenés à errer dans la campagne. Jusqu'à ce que des trafiquants d'esclaves s'en emparent pour les vendre. Les enfants seront employés dans un camp de travail dirigé par un abominable Sansho, qui a les faveurs des autorités, tandis que la mère sera prostituée.
La clé du film est dans le titre qui est la traduction (exacte ?) du titre japonais. Le titre est surprenant puisqu'il fait honneur au tortionnaire esclavagiste alors que le film suit le destin des deux enfants et de leur mère. Alors que le père avait inculqué à ses enfants, des grands principes humanistes comme "sois dur avec toi-même, généreux avec autrui", l'intendant Sansho semble réussir à déshumaniser le cœur du fils Zushio qu'on voit commettre des actes barbares sur d'autres esclaves. Mais, grâce à l'amour de sa sœur présente dans le camp avec lui, les principes paternels, profondément ancrés, ressurgissent à temps, signifiant après de longues péripéties, la défaite de l'infâme Sansho
Spoiler : et les retrouvailles avec la mère vieillie, meurtrie mais vivante et aimante.
Il y a des choses magnifiques dans ce film comme cette mélodie que chante la mère désespérée dans sa déchéance, mélodie qui traverse l'espace, comme le bruissement des feuilles des arbres, et qui finit par atteindre les deux enfants, comme un leitmotive.
Il y a la scène finale absolument bouleversante filmée avec une très grande simplicité.
Il y a le jeu naturel et très efficace de ces deux actrices, Kinuyo Tanaka (la mère) et Kyoko Kagawa (la fille)
Belle fable politique et humaniste qui dégage une émotion distillée avec une grande pudeur.
"Un homme sans pitié n'est pas humain".