De deux choses l’une, ou bien le pouvoir nord-coréen a des goûts cinématographiques exécrables, ou bien Kim-Jong un est le dirigeant en exercice le plus susceptible, les deux sont probablement vrais. L’Interview qui tue (titre français épouvantable de ridicule) est bien un film atroce qui démontre l’absence de culture du « leader suprême », qui lui accorde une importance qu’il ne mérite pas. C’est aussi la seule œuvre à ce jour, qui met en scène la mort par assassinat d’un chef d’état en cours de mandat, parions que nul ne se le serait permis s’il ne s’était agi d’un pays autre que celui-là. On pourra y voir une sorte de mépris contestable de la part des producteurs, qui pourront pourtant remercier Kim-Jong un de la formidable publicité qu’il a faite à une comédie ridicule qui autrement, été promise aux tréfonds du box-office international. Depuis l’affaire de piratage informatique, voir ce film est devenu un acte de « rebellitude » pour adolescents aux joues bombardées d’acné juvénile et purulente.

Soyons tranchant, The Interview (le titre v.o. est quand même moins insupportable) est totalement nul, à deux ou trois exceptions près. Il raconte le long cheminement d’un présentateur télé totalement imbécile et superficiel, vers la rédemption journalistique que pourrait lui offrir l’interview du chef d’état coréen. Nous sommes censés voir une comédie, mais pour être drôle encore faut-il avoir de l’esprit et pour avoir de l’esprit, encore faut-il être doté d’un cerveau. De cerveau il ne semble pas ya voir ici, tant le film ne semble pas savoir ce qu’il veut. On passe sans cesse d’une pâle critique d’un régime totalitaire à bout de souffle (qui méritait un traitement plus profond et documenté), à une comédie pas drôle qui lorgne le travail des frères Farrelly, sans jamais parvenir à se lâcher. On est dans le même humour scatophile et sexuel, mais là où les frangins maitrisent la mécanique du fou rire, Evan Goldberg et Seth Rogen n’ont qu’un vieux moteur rouillé qui tousse au lieu de rigoler.

Ajoutez-y des acteurs qui tentent le contre-emploi sans savoir que ça ne marche pas à tous les coups et que n’est pas Jim Carey qui veut, vous obtenez un mélange aussi digeste que la dinde fourrée aux marrons de tata Lucette un soir de réveillon. Car oui messieurs dames, James Franco, acteur plutôt prometteur, joue ici le journaliste débile et pompe son jeu sur celui de Jim. Il lui pique ses mimiques, ses grimaces, ses gesticulations mais oublie de lui emprunter un peu de son talent. Du coup le petit James se transforme en tête à claques stressante qui provoque des envies de meurtre. Seth Rogen qui joue son sparring partner, est à peine moins énervant, il faut dire que son rôle est un peu moins ingrat et laisse quelques moments de bravoure…ridicules. Il ne reste finalement que la délicieuse Diana Bang, superbe officière coréenne, qui permettra aux connaisseurs de soulever un sourcil de plaisir à défaut de s’endormir.

Finalement c’est peut-être la réalisation qui marque le plus, nous faisant prendre le visage à deux mains…de consternation. On retrouve ici toute la finesse d’un Gérard Depardieu, juché sur son scooter et qui se retrouverait face à deux gendarmes, découvrant stupéfaits qu’il ait fait exploser le ballon dans lequel il soufflait. Sincèrement on est navré pour l’équipe du tournage qui participe à cette mascarade, consterné par ses allusions stupides au Seigneur Des Anneaux de Jackson qui ne mérite pas ça, consterné par la chanson finale qui n’est autre que le Wind Of Change des Scorpions (chanson lourde de sens…elle) et donne l’espoir d’un vent nouveau sur la Corée du Nord. Sauf qu’ici c’est totalement déplacé, ça ne fait pas rire, pas rêver, juste grincer des dents à s’en faire saigner les gencives.


Vous l’aurez compris, The Interview est une gigantesque imposture qui est aussi irrévérencieuse que les vœux d’un président un soir de Saint-Sylvestre. C’est la même chose en fait : c’est long, c’est pénible et ça donne envie de pleurer tant c’est vide. The Interview n’est rien, ni drôle, ni méchant et mérite de disparaitre sans que personne ne se donne plus la peine d’aller le chercher en toute illégalité sur le net. Jamais un film n’aura autant usurpé le foin médiatique qu’il a fait. Mais finalement, personne n’a jamais prétendu qu’il était bon, juste qu’il a dérangé un dictateur de pacotille dans un pays moribond et qui affiche à la face du monde l’immensité de son mauvais goût, qui n’a d’égale que sa cruauté folle.
Jambalaya
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le 4 janv. 2015

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Jambalaya

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