Adapté d'un roman de Faulkner, le film de Clarence Brown, au scénario duquel l'écrivain aurait lui-même travaillé, est un brillant témoignage du racisme ordinaire, institutionnel, dans les Etats du Sud. Brillant parce qu'on devine à travers le scénario une intelligence d'auteur, une réflexion ordonnée et aboutie. Brillant parce que la rigueur et la concision exemplaires de la mise en scène indiquent la conviction du cinéaste et son engagement.
L'homme noir Lucas Beauchamp est arrêté et emprisonné pour le meurtre présumé d'un fils de fermier -blanc, évidemment. On craint pour lui un lynchage imminent. Et, pourtant, c'est peut-être à quatre Blancs que Beauchamp devra son salut, quatre protagonistes tout en diversité qui incarnent, dans le coeur et dans l'esprit, la minorité éclairée d'une communauté insensible au sort des Noirs, la minorité qui se doit de lutter contre la haine, la bêtise, et l'injustice en prime.
La force du film est de se détourner absolument d'une expression spectaculaire ou discursive, romanesque ou passionnelle. La sobriété de l'intrigue policière est remarquable, avec ses scènes sans éclat mais intenses, et provient pour une part de celle des personnages, dont les silences et les regards, souvent, valent des mots. On pense au père du type assassiné au début du film, ce fermier taciturne et inquiétant, reflet de l'Amérique profonde. On pense aussi à ce Lucas Beauchamp qui, loin du cliché de la victime apeurée et docile, incarne la négritude courageuse et fière, digne devant l'insulte comme devant la compassion.
Un oeuvre forte et maitrisée.