Nous sommes en 1956, l'Amérique sort tout juste du maccarthysme, et de la Chasse aux Sorcières. Au cœur de la Guerre Froide, le pays livre une véritable lutte idéologique avec son ennemi, l'U.R.S.S., dont le modèle communiste se répand sur le monde. L'administration Eisenhower ne l'entend pas de cette oreille, et poursuit un combat commencé près de dix ans plus tôt, qui alterne entre période de détente, et période de tension.


En parallèle à Hollywood, devenu en partie un organe de propagande durant la Seconde Guerre mondiale, se met à véhiculer, en majorité par des productions Fantastiques, où de Science-fiction, le modèle de l'American Way of Liife. Et la nécessité de l'imposer face au modèle soviétique. L'idéologie dominante dans la capitale du Cinéma est alors liée à un anti-communiste viscérale, qui se répercute tout naturellement sur la production.


"Invasion of the Body-Snatchers" (traduit en France littéralement par "L'invasion des Profanateurs de Sépultures", les traducteurs n'ayant sans doutes pas vu le film ont juste traduit "Body-Snatchers" par "Pilleurs de tombes", et je trouve ça formidable...) est avec "The Thing", en 1951, l'une des meilleures expressions de la crainte d'une invasion communistes aux U.S.A, qui viendrait mettre à mal la liberté.
À première vue, le film de Don Siegel apparaît comme un petit film d'épouvante assez classique. Prenant place dans une petite ville de Californie, en prise à la paranoïa, alors que les habitants sont remplacés petit à petit par des modèles similaires, auxquels toutes émotions est retirés. Des extra-terrestres remplacent ainsi les humains en être générique, voué à un but commun, faisant partie d'un tout, sans aucune individualité. Par une démarche insidieuse, en infiltrant le cœur même de la société. Hum.


Il existe une littérature abondante sur cette œuvre, qui explicite bien entendu cette approche. Car la finesse n'est pas ce qui caractérise sa nature, avec un traitement de l'ennemi intérieur un peu grossier, et son portrait de la faillite des institutions. L'invasion se faisant sous le contrôle de la police et des notables.


En revanche, il peut être intéressant de le voir sous un jour plus contemporain, pour en livrer une analyse en écho à notre époque. Orienté contre le générisme soviétique en 1956, il peut se prêter aujourd'hui à une critique de nos sociétés consuméristes aseptisées, où l'on achète en masse les mêmes canapés, tables, ou étagères. Nous sommes connectés aux mêmes réseaux sociaux, où la liberté d'expression peut parfois être bridées, si elle ne correspond pas à la norme. Nous forgeant tous dans un idéal de manière parfois violente. Où sortir de la norme peut s'avérer aliénant.


C'est là bien sûr une approche subjective de ma part (car il ne fait aucun mystère que c'est une œuvre anti-communiste). Mais comme toute production, la réflexion apportée est à la mesure de chacun. "Invasion of the Body-Snatchers" peut ainsi, 63 ans après sa réalisation, très bien se prêter à nos problématiques actuelles. Film de "proposition", il n'impose pas un récit rigide, clos par une idéologie inflexible. Au contraire, comme tout grand film, il offre des degrés de lectures divers, à la portée de chaque spectateur.


Œuvre fantastique magistrale, son influence sur le cinéma américain est inestimable. Bien qu'il ait un peu vieilli, il n'en demeure pas moins une pièce maîtresse de l'épouvante, qui se perçoit encore aujourd'hui. Pour exemple, un film comme "Us", n'existerait sans doute pas sous cette forme, sans celui de Don Siegel.


À voir, ou revoir, pour prendre conscience de toute la mesure de son importance dans l'histoire hollywoodienne, mais aussi de sa place au cœur du XXème siècle. Témoin d'une époque aujourd'hui révolue, ce chef d'œuvre de suspens et d'anticipation indémodable, fait preuve d'une maestria rarement égalée, le faisant demeurer d'une actualité glaçante.


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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