Il est presque dommage que le titre français explicite un peu trop le contenue du film car le titre original est beaucoup plus subtil et peut prendre plusieurs sens, a commencer par un rang social sur lequel l'héroïne a construit toute sa vie et qui demeure sa seule et unique motivation : garder une apparence parfaite cachant difficilement une froideur clinique et misanthrope.


C'est assez réussi malgré un matériel un brin trop théâtral même si l'unité de lieux (75% doit se dérouler dans la maison) est indispensable et primordial vu son sujet. C'est d'ailleurs le film où Arzner pousse le plus loin sa thématique de la caractérisation des personnages par le du décor/mobilier. C'est même le centre du récit et la dynamique psychologique.
Malgré tout, le film est loin d'être parfait. L'écriture manque régulièrement de finesse dans sa clarification de la névrose de Madame Craig tandis que d'autres thèmes sont abordés avec beaucoup plus d'intelligence comme le suicide/meurtre du couple d'ami, brillamment intégré au récit sans en faire trop, laissant planer une possibilité de thriller qu'il ne prendra pas.


Le vernis qui régit la vie de Rosalind Russell dérange et agace durant la première moitié avec de surcroît une interprétation cynique bien trop collé au pied de la lettre. Mais quand ce vernis craque et que ses projets d’apparence parfaite pleinement maîtrisée se retournent contre elle et que ses proches la délaisse les uns après les l'autre, Arzner et sa comédienne parviennent à nous faire partager ce monde qui s'écroule sous ses pieds. Sans désormais juger son héroïne et en injectant beaucoup d'empathie et fragilité, on commence par prendre en pitié ce personnage haïssable et égoïste jusque là. Ce glissement est fait avec brio car quelques minutes avant, on savourait les quatre vérités que lui lançait sa tante. On commence alors à saisir ses peurs, ses doutes, sa perte de repère, sa névrose et une solitude finalement déchirante et suffocante. Les dernières minutes ne sont plus dans la froideur mais glaçantes.


Malgré quelques défauts de construction et une interprétation pas toujours adéquat, la modernité de l'étude de ce portrait féminin est assez passionnant et très en avance sur son temps. Il y a par exemple déjà là pratiquement tous les éléments qui fleuriront quelques années pus tard avec la vague des films psychanalytiques. De plus, même si le Code Hayes est cette fois pleinement actif, Arzner parvient toujours à corrompre un peu l'univers comme lorsque que le mari s'assoit sur le lit de son épouse avant de se faire sèchement remettre à sa place, laissant clairement sous entendre que sa vie sexuelle est désormais inexistante.

anthonyplu
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le 16 juin 2017

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anthonyplu

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