L'oisiveté est l'amer de tous les vices

Quand le scénariste de Quand la ville dort écrit, produit, réalise et monte son propre film, ce qui étonne le plus, c'est la faiblesse de l'écriture justement, et l'absence de scénario ou presque est loin d'être l'unique responsable de la chose...

Judith est fraîchement divorcée, elle refait sa vie à L.A. dans toute l'oisiveté de sa pension alimentaire et le goût amer des trahisons impardonnables sur le bout de la langue...

Le film est muet ou presque, enfin, il n'y a quasiment pas d'enregistrement direct, juste deux voix off qui discutent, Judith et sa conscience, une voix masculine. Parfois un are bruit de fond dans une salle de sport, où les interminables logorrhées curatives d'un guérisseur à la petite semaine...

Ah oui, une omniprésente musique pas finaude aussi, enfin, bref, un de ces dispositifs prétendument originaux qui lassent vite dès qu'il n'y a plus rien derrière...

Et derrière, pas grand chose, donc, une errance d'un peu plus d'une heure qui a l'air de faire le triple, une critique pas très subtile d'un certain mode de vie américain, des balades entre le coiffeur, le shopping, la chirurgie esthétique, les bars, les salles de gym, le yoga, les spectacles sportifs, les accidents, les strip-tease, la temple, la plage... C'est fou comme on s'emmerde parfois quand on ne veut rien faire...

Comme tous ces films essentiellement de montage, il en ressort un sentiment de facilité, des métaphores bien lourdes des rapprochements gratuits, plus de vacuité que de pertinence...

D'ailleurs, c'est dommage, parce qu'il reste tout de même des images à sauver dans ce film, en commençant par celui de Barbara Baxley, particulièrement émouvant et bien choisi comme américaine type de la classe moyenne en perdition... Et puis ce défilé permanent de freaks révèle parfois des plans réellement fort, la monstruosité de l'homme sans trop d'artifices, ça fait peur...
L'absence de son direct, redonne aux figurants la force de leur animalité première, celle d'avant le langage, c'est à se demander s'il était bien nécessaire d'avoir autant de voix offs sentencieuses qui enfilent des perles se voulant probablement profondes et/ou poétiques...

Que ce dispositif donne au film un aspect de documentaire très littéraire, pourquoi pas, encore faut-il que nous sortions de la littérature de bas étage, et le style manque ici cruellement...

Bon, je suis un peu méchant, on sent qu'il y a volonté de bien faire, les pauvres, après tout, ils ont réussi à obtenir ce qu'ils voulaient, une sorte d'OFNI un peu culte qui repasse de temps en temps lors des projections uniques, plus près de la performance que du cinéma, et moi, je vous avoue, ça m'emmerde vite.
Torpenn
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le 20 mai 2013

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