Portrait touchant d'un prof en crise

Ce film m'a bouleversée. Sans trop en dévoiler, on pourrait dire de son personnage principal, le professeur Crocker-Harris, qu'il est un anti-professeur Keating, une sorte de M. Stevens (le majordome des Vestiges du Jour) des salles de classe. Je pense d'ailleurs qu'Anthony Hopkins aurait été merveilleux dans ce rôle.

C'est donc un prof hyper érudit, plus calé en connaissances qu'en pédagogie, un champion de l'impopularité, mal aimé - voire détesté - des élèves, celui qui récolte des surnoms moqueurs ("Crocodile"), voire insultants (le "Himmler des 3e"). Et le monsieur ne cherche pas à inverser la tendance. En apparence indifférent, il continue imperturbablement de dispenser ses cours de grec et de latin, avec une sévérité et une intransigeance immuables. Souffrant de problèmes de santé, il est de plus marié avec une femme aigrie qui le trompe et le méprise. Alors qu'il s'apprête à quitter l'école pour un poste moins fatigant, un collègue et un de ses élèves vont tenter de percer sa carapace et bouleverser sa morne vie.

Le film est adapté d'une pièce de théâtre. Il est très statique et la mise en scène est des plus classiques, mais on ne s'ennuie pas une seconde. On assiste à des conversations entre le professeur et les différents protagonistes (sa femme, son collègue, son élève principalement), chacune révélant peu à peu les personnalités de chacun et en particulier, celle fermée et mystérieuse de l'enseignant. Notre regard évolue sur chacun au fil des rencontres. C'est fait avec subtilité, sans dialogues inutiles, en s'appuyant sur les silences, les regards et des gestes infimes. Tout ce que j'adore !

C'est surtout formidablement interprété, notamment par Michael Redgrave, fascinant dans sa raideur et son entêtement à repousser l'affection et la sollicitude des autres. Son professeur austère et incompris m'a beaucoup fait penser au prof joué par James Mason dans "Les Yeux de Satan" et à celui d'Alberto Sordi dans "Il maestro di Vigevano".