L'Opérateur est une bonne surprise pour moi, car là ou je m'attendais à un enchainement de gags comme Keaton en a le secret, je me retrouve face à un film vraiment émouvant et méta sur ce qu'est le cinéma et le pouvoir des images.
Déjà à l'époque, cette question sur les images et leur pouvoir se posait.
Tantôt manipulatrices, tantôt révélatrices, le personnage de Keaton embrasse les deux bords, rendant la réalité de chinatown plus violente et découvrant aux yeux de sa belle, la supercherie dont elle est victime.
Elles sont de véritables armes, qu'elles soient truquées ou non, la caméra est explicitement comparée à une mitrailleuse, dont le pareil fonctionnement par une manivelle confond le singe qui enclenche l'arme naïvement, ou encore le maître chinois qui prend la destruction de la caméra comme une mission de première importance.
Les images sont même dotées d'un côté insidieux, Keaton qui tourne tranquillement au milieu de la bataille, comme un petit couteau de poche que tout le monde remarque une fois le sang versé.
Le film nous offre aussi une opposition entre les médias et le cinéma.
D'un côté il n'y a qu'une course individuelle à l'Image qui vous offrira reconnaissance, de l'autre Keaton qui devient cinéaste à l'obtention d'un singe comme acolyte.
A partir de cet instant, il va pouvoir modeler les images selon les besoins, pour transmettre une émotion, et cela passe systématiquement par une intervention du singe, qu'il lui suggère un couteau pour rendre la scène plus violente où le film dans son héroïsme puis sa déception.
Comme dans ce plan de révélation, l'art naît d'une interprétation, il y a un intermédiaire subjectif entre le réel tourné et l'image offerte au spectateur.
Bien que contenant quelques longueurs, peut être du à la pression nouvelle des studios que Keaton détestera pour l'avoir bridé artistiquement, l'ensemble reste très agréable car au-delà du côté méta, l'histoire d'amour directrice du récit, commune aux films burlesques, est je trouve très réussie. Je retiens bien évidemment la scène du sauvetage, après laquelle Keaton fini seul à genoux sur la plage, qui m'a profondément touchée.
Nous avons un film, qui certes contient quelques erreurs de rythme, mais compense très largement par ses gags toujours réussis et servant même le récit ( Keaton assis dans le coffre de la voiture sous la pluie ), et une mise en abîme du cinéma comme un art collectif.