"L'Opération Corned Beef" marque un virement pour Jean-Marie Poiré, qui va quitter sa mise en scène relativement posée, pour adopter un style frénétique. Montage ultra serré, gros plans, dialogues sous amphétamines. J'ai même cru que mon lecteur était bloqué en x1,25, mais non, je regardais bien le film en vitesse normale !
Alors ce n'est pas aussi hystérique et insupportable que le seront "Les Anges Gardiens". Mais ce n'est pas du tout aussi inspiré que "Les Visiteurs", dont la sauvagerie de la mise en scène était justifiée par le scénario.
En vérité ici Jean-Marie Poiré peine à développer un high-concept. On sent la volonté de parodier les films d'espionnage, de faire du buddy movie en associant péniblement un super agent secret costaud avec un bourgeois relou. Mais rien de tout cela ne va bien loin, à l'image d'une intrigue d'espionnage à deux sous. En fait tout ceci embraye assez vite sur un récit de vaudeville guère passionnant.
Il faut dire que c'est très mal construit. Entre des fulgurances qui empêchent de bien caractériser le récit (le fameux Georges apparait quelques secondes, et tout le monde se lamentera sur sa mort pendant tout le film ?). Ou des ellipses incompréhensibles : on nous vend une opération séduction à mettre en place... et la scène suivante on apprend que tout a déjà eu lieu, photos à l'appui ?
Et puis ce n'est guère drôle en ce qui me concerne. Jean Reno joue faux (problème de direction ?). Christian Clavier est insupportable. Et les vannes peinent à faire sourire. Tandis que Poiré semble être complètement passé à côté de l'exploitation de certaines situations. Pourquoi terminer son film au Parc Astérix si c'est pour ne rien en faire ?
Je retiens quand même Valérie Lemercier en traductrice BCBG (un rôle qui augure celui des "Visiteurs"), qui a pourtant un personnage indigent. Même l'inconnue Mireille Rufel s'en sort pas mal, malgré la grossophobie que le film a à son égard.
A ce niveau "L'Opération Corned Beef" baigne dans le jus de son époque. Honnêtement, quelques situations très cartoonesques m'ont fait sourire, notamment les poursuites riches en cascades, ou l'utilisation de bonne soeur et de fauteuil roulant (pas sûr que ça passerait aujourd'hui). Mais certains éléments seront incompréhensibles pour les moins de 25 ans.
L'intro avec la transaction de cocaïne qui parodie les pubs Jacques Vabre "El gringo". Jean Reno qui se la joue Jackie Chan en tentant de mimer la scène du bus de "Police Story". Ou une référence au Rainbow Warrior.
Ca n'a pas empêché le film de se limiter à un succès très moyen au box office, voire un échec pour ce type de production, avec 1,5 millions d'entrée à sa sortie.