Une chose m'a sauté aux yeux au regard de ce film: les frères Coen ont réellement une vision très fine du concept de "nature", qu'elle soit animale, minérale, végétale ou humaine.
Cette ballade est en effet divisée en 6 chapitres adoptant un ton et un style à chaque fois différent, permettant ainsi aux deux réalisateurs de nous livrer toute l'étendue de leur savoir faire ainsi que leur vision d'un ouest sauvage tantôt drôle, cruel, romantique, absurde mais aussi violent, la mort guettant très souvent les personnages en fin de séquence.
Le gros point fort de ce film, en plus de son format découpé en courts métrages, c'est la finesse de son écriture. Les frangins aiment raconter des histoires et le spectateur le ressent totalement, chaque nouvelle séquence étant attendue avec envie et curiosité.
Le titre du film est toutefois trompeur dans la mesure où seule la première aventure, relativement courte qui plus est, nous narre les péripéties de Buster Scruggs, toutes celles qui suivront renouvelant à chaque fois leur "stock" de décors et de personnages.
C'est d'ailleurs ici le deuxième gros point fort du film: l'interprétation!
En effet, à la finesse de l'écriture et des dialogues s'ajoute un jeu d'acteur de qualité et une distribution particulièrement bien pensée, permettant aux Cohen de réellement faire vivre leur récit et de susciter un certain intérêt (ou un intérêt certain!) chez le spectateur.
Les chapitres proposés sont également d'une qualité équivalente, aucun ennui ne se faisant sentir, et je dois dire que la réalisation exploite à merveille son format inventif et original, qui n'est donc pas qu'un banal artifice destiné à nous tromper.
Chacun aura par ailleurs probablement une "histoire préférée" selon sa sensibilité, la troisième (celle avec Liam Neeson et "l'homme tronc") m'ayant pour ma part particulièrement touchée.
La dernière m'a également rappelé le début des "8 salopards" de Tarantino, avec ces personnages improbables et bavards réunis dans une diligence.
Les décors et les paysages, ainsi que la qualité des plans de caméra et de la photographie constituent un autre (gros) avantage du film, les frères Coen étant indéniablement de fins observateurs du monde qui les entoure et particulièrement de cette Amérique sauvage et profonde qu'ils connaissent si bien.
Le seul point négatif que je pourrais relever mais qui reste d'ordre totalement subjectif est relatif à la présence de chansons (j'avais détesté "O'Brother" à cause de ça...), l'aspect "comédie musicale anglo-saxonne" m'étant personnellement insupportable.
Heureusement, ces chansons sont courtes et peu nombreuses et ne représentent qu'une infime partie du film (je tiens à vous rassurer tout de suite si vous êtes comme moi...)
Le recours aux images de synthèse afin de reconstituer des animaux existants (un cerf et une chouette) est également facile et scandaleux, en plus d'être moche et flagrant à l'écran.
Bien entendu ce n'est qu'un "détail" qui ne pénalise en rien l'intérêt et la qualité du film.
Pour résumer, "La ballade de Buster Scruggs" pourrait s'apparenter à un conte merveilleux et divertissant à la tonalité variée suscitant l'enchantement chez le spectateur, et ne provoquant l'ennui à aucun moment.
Les frères Coen prouvent ici qu'ils sont véritablement des réalisateurs talentueux, avec un savoir faire et une vision personnelle, souvent satirique et cruelle, mais toujours poétique.
Je vous le conseille vivement, cette ballade valant incontestablement le coup d’œil.