"Just where do I stand without my body, huh?"

"La Ballade des sans-espoir", aka Too Late Blues (les deux versions renvoyant à la même notion mélancolique), permet de se replonger dans les débuts de Cassavetes que j'avais découverts il y a belle lurette, entre "Shadows" et "Faces". L'unité de style est très forte, avec ces errances en noir et blanc sur fond de Jazz — dans un registre très "Free", tant du côté cinématographique que musical, ce qui peut causer quelques incompatibilités. Je gardais en tête des captations vraiment très lâches, presque nonchalantes, ce serait sans doute à vérifier, mais la chronique qui est faite ici de la vie d'un petit groupe de musiciens de jazz est agréable, parfaitement intelligible (peut-être même un peu trop), dans l'optique de mettre en opposition deux conceptions de la chose artistique : la liberté des créateurs et le conformisme des soumis aux logiques purement mercantiles.


Ghost, le protagoniste, sous les traits du souvent juste Bobby Darin, fait très clairement partie de la première catégorie. Il est certes un peu falot, mais il a tout de même une certaine conception de l'art qui le poussera à prendre conscience de ce qu'il faut être prêt à faire pour vivre en accord avec ses principes. Le catalyseur de cette évolution : Jess Polanski, une jeune chanteuse dans le style d'une Marilyn Monroe, fragile, influençable, sous l'emprise d'un imprésario véreux.


En tant que quasi unique film de studio de Cassavetes (il y en aura deux), on est tenté de chercher dans les recoins du film les traces de ce qu'il dénonçait comme un manque d'indépendance, dans un film qu'il a dû faire entouré de personnes qui n'avaient pas confiance en lui. On trouve les traces de ce qui imprègnera tout son corpus, l'intégrité, l’errance, la mélancolie, la solitude les illusions perdues. Ici, la chronique de la déchéance avec un ultime sursaut, comme une pulsion de vie chez un musicien idéaliste (le terme est souvent répété, au cas où on n'aurait pas compris), a beau sembler un peu dévitalisée, elle conserve tout de même une petite part de sincérité.

Créée

le 4 mai 2020

Critique lue 198 fois

3 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 198 fois

3

D'autres avis sur La Ballade des sans-espoir

La Ballade des sans-espoir
NocturneIndien
7

Natural Blues

Parfois le temps est utile aux réalisateurs. Cela leur permet de faire des films plus sages et plus réfléchis. Bien que Shadows (1959), le premier film de John Cassavetes, avait beaucoup de qualités,...

le 18 déc. 2020

2 j'aime

La Ballade des sans-espoir
YgorParizel
7

Critique de La Ballade des sans-espoir par Ygor Parizel

Pour son deuxième long-métrage l'acteur-réalisateur John Cassavetes tente le coup de travailler pour un studio (Paramount). Ce scénario dresse le portrait d'un pianiste de jazz et de sa relation avec...

le 24 nov. 2023

La Ballade des sans-espoir
FrankyFockers
6

Critique de La Ballade des sans-espoir par FrankyFockers

Un des premiers Cassavetes, juste après Shadows, et une belle surprise, d'autant que c'est un film plutôt classique pour Cassavetes, comme si encore engoncé dans un studio, mais qui brasse déjà...

le 25 nov. 2016

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11