aout 2010:

C'est le deuxième film de Robbe-Grillet que je vois. Le premier avait été Trans-Europ-Express. Cette belle captive est peut-être un peu plus facile d'accès bien que je suis totalement infoutu de trouver une justification autrement qu'onirique aux thèmes et images qui se télescopent dans ce film. Entre Magritte, le spiritisme, la dame blanche, la moto et autres joyeusetés d'apparence insensées, les liens peut-être culturels et artistiques échappent à mon entendement, faute de bagages suffisants sans doute.

Je retrouve cette mise en scène très particulière, volontiers "poseuse" que j'avais remarqué dans Trans-Europ-Express et que j'avais qualifié de factice. C'est vrai que les comédiens sont extrêmement figés, ce qui peut irriter. Je n'adhère pas vraiment non plus mais je peux comprendre que ce style artificiel plaise et place le film aux yeux de certains spectateurs sur une sorte de piédestal : une atmosphère, indéniablement originale se dégage de cette mise en scène. Sur la fin, les jeux d'images vidéo de l'époque peuvent prêter à sourire mais également développer une esthétique dérangeante et troublante. Ce n'est pas un style qui me touche mais il n'empêche, il est bien défini. On le distingue facilement. Par bien des aspects, il me fait penser à un film de Rivette que je n'ai pas pu chroniquer, n'ayant pas réussi à le voir jusqu'au bout, épuisé par l'irritation et l'ennui ("L'amour par terre"). D'ailleurs il me semble que la villa qui accueille les délire d'une nuit de Daniel Mesguich a également servi de cadre à ceux de Jane Birkin et Geraldine Chaplin.

Le film de Robbe-Grillet entre fantasme et cauchemar m'a fait songer à "Alice ou la dernière fugue" de Claude Chabrol, sans pour autant me procurer les mêmes plaisirs. Ici je reconnais que mon appétit vorace d'acteurs s'est repu des apparitions de François Chaumette et Roland Dubillard qui sont deux comédiens imposants et qui ont su jouer autant de leur voix que de leurs physiques peu communs. Je crois que j'adore Dubillard, c'est tout bête mais je pourrai très bien lui vouer un culte. Et ici aussi, sa voix fait résonner des trucs en moi que seul le cinéma est capable de faire. Une sorte de ronronnement de contentement, de satiété. Une voix qui vous enveloppe et vous fait pénétrer dans le film. Une main qui happe. Le propre du ravissement, non? Concernant Mesguich je reste un peu plus circonspect, en attente. Quand je l'écoute et le vois jouer, je suis dans l'espoir qu'il va démontrer ses talents, cette force d'attraction qui aspire le spectateur. Or, il joue bien mais parfois son rythme de diction prend des temps théâtraux, glisse, se répand et je m'éloigne, déçu. Je ne comprends pas ce style de jeu, qui essaie de fuir le réalisme et le naturel alors que je m'en repais aisément.

La partition du récit ne donne pas de jolies notes à Cyrielle Claire encore moins à Gabrielle Lazure. J'attendais bien plus de la blonde Lazure qui passe le film à se balader à poil, la plupart du temps muette, dans des poses vaporeuses aussi fausses que laides. Cyrielle Claire joue les dominatrices en cuir et grosse moto, froide, monotone. On aperçoit une tout jeune Arielle Dombasle, folle mais peu convaincante.

Bref au final, ce sont quelques comédiens et le parcours fantasque des personnages qui donnent au film son allure mystérieuse et un peu oppressante. Son esthétique d'artifice, à la photographie de papier glacé me laisse complètement froid. Disons que je progresse gentiment dans la filmographie de Robbe-Grillet, sans pour autant tomber en pâmoison.
Alligator
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le 14 avr. 2013

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