Fred Dorkel est un Joite, un Noï, en gros c'est un gitan qui comme tout les gitans s'accommodent de ces désignations péjoratives car le monde des blancs ne l'intéressent que dans une éventualité d'un échange commerciale et ne peut donc pas l'atteindre.
Dorkel, c'est ausi le nom de l'un de aïeux de Jean-Charles Hue, réalisateur du film...
L'homme apprend ses origines gitanes, part en rencontrer, tombe sur les Dorkel, reste 10 années...
Il en construit une fiction: Fred le Chouraveur rencontre un ange. Pas de l'avis des copains qui veulent pas que le bonhomme se range.

Après le radicalisme photographique et sonore de Phillipe Grandrieux, le cinéma Français reprend à nouveau inspiration avec un autre plasticien.
Approche différente, radicalité poussé à un niveau assez similaire.

Le film s'ouvre avec une justesse déconcertante, l'introduction d'avant titre condense l'ensemble de l'univers dans le quel le spectateur est invité.
Une berline allemande. Un jeune au volant. Des jeux puérils avec la voiture. Un camp de caravane. Un feu de fortune. Attroupement de personne. Inconscience. Un vieux. Une arme sortie immédiatement.
Et bien d'autre plans qui se suffisent en eux même, ce qui impressionne c'est leur justesse, la richesse du contenu et de ce qui est dit en chacun d'eux, relent de méthode photographique?
Peut-être regrette t-on de ne pas les contempler plus, mais ce rythme de montage au final épouse son sujet, ses protagonistes et leur attention fuyante, pressé.

Aussi vite que le film a commencé, on se retrouve dans les menaces. Fred de toute sa masse attrape un jeune. La tension est horrible, le cinéaste nous condamne à un point de vue unique qui nous empêche de voir la séquence correctement. Les phrases s'entrechoquent, l'énervement monte comme il se doit, dans l'incompréhension.
Fred part, nous laisse la peur qu'il nous a infligé car bien trop voisine.
La caméra reste avec la victime honteuse...On et ravi de se souvenir que l'on est pas à sa place.

Ellipse sur Ellipse, à l'intérieur même des séquences, le film avance, baston.
Une vraie, ça commence comme des petites filles, les deux corps s'éloignent, on retrouve ses notions de boxe, les coups claquent comme des gifles, l'ascendant est pris par celui qui résiste le mieux à la fatigue. Le coup de pute.

Hue se souvient d'où il vient, il se confronte depuis quelques temps à une forme bâtarde entre installation vidéo et documentaire. Il rejoint Jonas Mekas dans ce mélange de forme qui à beaucoup semble inconciliable.
Il n'use pas toutefois des effets de l'illustre new-yorkais porté par un besoin d'expérimentation. Ici la technique est sobre. On avance par flottement, jeu entre ombre et lumière, décadrage, franchissement d'axe, étirement de certains plans, abrègement d'autre. Pour nous inclure le cinéaste nous perd, le son se détimbre, les décadrages nous font douter de son synchronisme.

Puis Fred rencontre Dieu, inspiration Lynchienne, jeu de lumière étrange descendant direct des vidéos de Bill Viola. La caméra trouve sa beauté dans ce qui nous repousse, porté par son propos, le cinéaste dépasse ses références pour en faire son intention...

Mon copain, ma couille, ma femme, mon père, mon fils...A mille lieux des clichés qu'un certain cinéma a construit sur eux, nous écoutons les gitans nous parler leur langue, français renouvelé,complexe, faisant apparaitre de nouveaux titres, n'empêchant pas la confusion des genres ("c'est quand même pas difficile de savoir ça ma couille..."). Nouvelles constructions de phrases, nom et pronom côte à côte, retranscription quasi vécu du raconté, multiplication des verbes aux conjugaisons personnelles...

La richesse des plans signalés au début nous ouvre sur la richesse même du propos filmique.
Hue semble lier le besoin de spirituel de Fred à son besoin propre de racines.
Cette quête de Dieu n'est-elle pas la quête d'identité que ferait un homme qui sait parfaitement d'ou il vient et qui veut savoir si il peut s'inscrire en dehors d'un certain déterminisme.
La structure du film ne propose au personnage que la dualité du camp, l'évangélisme ou la chourave; la confession public ou le P38...

Alourdi par sa masse, Dorkel ne parvient pas à faire l'équilibriste, il bascule entièrement d'un coté ou de l'autre avec la force sentimentale que lui imposent les extrêmes sans se demander plus où peuvent être les autre voies...
Traviser
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le 28 juil. 2011

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