Ca commence comme un éternel slasher, un groupe de jeunes bourré de stéréotypes part en week-end dans une cabane au bord d'un lac. Assez vite, ils découvrent une cave et libèrent, en récitant une invocation, une horde de zombies.

Ce début a tout d'une reprise intégrale de la situation d'un cetain Evil Dead, mais quelque chose couve. Car dès le générique le réalisateur nous dit, avec un grand manque de finesse qui caractérisera toute la suite du film, que son scénario n'est pas cousu de fil blanc. En effet, un étrange groupe de scientifiques semble maîtriser ce qu'il se passe dans cette histoire, et récupère le sang des victimes, aparemment pour calmer une sombre entité. Pas vraiment original, il semble pourtant que le film se vante, à travers son marketing, d'être surprenant. C'est vrai qu'on avait attendu Goddard, petit malin derrière l'immonde scénario de Cloverfield, et Whedon, le producteur de Buffy "mais les geeks vous disent que ce type a du génie !", pour avoir un film d'horreur à twist issu des codes du genre. Scream n'existe pas pour Goddard, ce qui serait une très bonne chose (Scream est le Mal absolu du cinéma d'horreur, il faut le rappeler) si fondamentalement les buts n'étaient pas les mêmes : s'amuser d'un genre qui ne peut s'en sortir sans être pris au sérieux par ses auteurs.

On doit donc supporter une heure de récital de tout les poncifs du genre, puisque pour les manipuler il faut les énumérer bien lourdement, entrecoupés de séquence qui préparent bien vulgairement une chute prévisible. Si la façon de faire est tout de même plus acceptable que le cynisme de Scream, il en garde l'aspect destructeur. Oui, destructeur. Car, en disant textuellement que le genre est codifié et manipulé, ce qui est une évidence absolu merci les mecs vous êtes des génies, on ne fait pas vraiment avancer les choses et on se baigne dans la mouise qu'on décrit. Si le ton est résolument parodique, jamais le film provoque la peur ou une once de stress. Parce que les responsables de ce film ne respectent pas ce genre et ne veulent surtout pas le voir grandir. Il n'y a aucune proposition, aucune idée, juste le ricanement de deux petits malins. Il n'est d'ailleurs pas anodin que le film soit adoré par Simon Pegg et Edgar Wright, qui ont eux aussi pratiqué la satire destructrice d'un genre avec Hot Fuzz, le pseudo hommage aux films d'action mais qui ne cite que Bad Boys 2 et Point Break. Mais c'est geek, c'est cool, c'est mode on vous le dit. On vous le hurle même !! C'est trop cool d'être geek/nerd/hipster/"insérer n'importe quelle case à la con" ! Surement pas parce qu'ils ont un sacré pouvoir d'achat ou parce qu'ils sont les relais rêvés des services marketing ! Bordel je m'égare, je parle de quoi déjà ?

Après une heure d'ennui, le scénario se dévoile enfin. Ouf. On ne va pas trop en dire, mais malgré la prévisibilité à toute épreuve on a au moins droit à une bonne dose de gore. Le public de base de ce genre de production en a donc pour son argent. Il faut insister : "de base", car le vrai fan d'horreur, celui qui jure par, entre autres, Bava ou Carpenter, celui-là a le droit de pleurer des larmes de sang, recroquevillé dans son coin, au pilori d'un genre aujourd'hui aux griffes de scénaristes et réalisateurs uniquement commerviaux. Voir des figures classiques de l'horreur (dont les cénobytes !) relégués au rang de faire-valoir au service du seul gore, c'est un désastre qu'on peut accepter d'un direct-to-video mais certainement pas d'un film aussi grand public. A moins que les spectateurs de ces deux façons de filmer, de ces deux façons de budgéter, soient finalement très proches. Hum (qui veut en dire long). Que l'avenir de ce genre est terrifiant. Onibaba serait-il possible aujourd'hui ? Une oeuvre couillue comme L'exorciste, qui sort des codes du genre pour avant tout parler de sujets très sérieux comme la perte de la foi, serait-elle possible aujourd'hui ? Sans ce rire en coin abominable, ce cynisme de notre époque qui fait de cette Cabane une réussite aux yeux de certains ? Une question : depuis quand n'avez-vous plus eu peur au cinéma ? La peur, la vraie, celle qui vous accroche aux accoudoirs et vous hante une fois au lit et qui vous empêche d'aller pisser en pleine nuit "merde y'a qui sous mon lit, et si j'ouvre la porte de ma chambre et qu'il y a ce foutu monstre je fais quoi zut bon je me rendors" ? La vraie frousse. L'auteur de cette critique, qui à ce stade n'en est plus une mais un mini édito, doit remonter à la resortie de l'Exorciste en 2001. Et avant cela, c'était Blair Witch (et j'assume). Aller, on peut mettre aussi la deuxième moitié de Wolf Creek et la première de Creep. Avec un peu de The Descent, par moments. Et Grave Encounters, pas trop mal. Mais c'est tout. Rien d'autre, nada, walou. Cette Cabane ne change rien à la donne et confirme que l'horreur n'est plus aujourd'hui un genre pour faire véritablement frémir, mais un genre pour s'amuser à se faire peur. Triste constat, car il n'a pas toujours été celui-ci MERDE FAITES NOUS PEUR !

A noter une apparition inutile de Sigourney Weaver, histoire de brosser le geek dans le sens du poil. Inutile et surtout deus ex machina, la cougar arrive de nul part et annonce la fin. tranquilou. Mais bon on ne va pas tirer sur l'ambulance plus longtemps. Reste que techniquement c'est très solide. Cool, non ? Au secours.
Bavaria
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le 18 août 2012

Modifiée

le 1 déc. 2012

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