La cabina
7.5
La cabina

Court-métrage de Antonio Mercero (1972)

Je pense que toute ma vie, je me souviendrai de ce film et du contexte de sa découverte.

Enfant des années 70, j'ai connu les soirées en famille autour du petit écran, avec le paternel ou la daronne qui détenaient la télécommande et donc le choix final du programme, quand nous les enfants, pouvions au mieux nous taire ou aller dans notre chambre, où aucun écran ou aucune tablette de substitution ne se trouvait, si nous n'étions pas intéressés. Et je ne parle même pas des veilles de jours d'école où c'était au lit direct après manger ...

Il y avait donc certains soirs où l'on profitait de soirées "cinéma à la télévision", comme en plus mes parents n'étaient pas forcément enclins à nous emmener au cinéma de notre petite ville de province, on peut dire que c'est grâce à la télévision, puis plus tard aux VHS que j'ai construit les fondations de ma cinéphilie, la salle obscure arriva plus tard vers mes 10 ans quand le mercredi, alors jour de liberté scolaire, j'étais autorisé à m'y rendre avec mes copains.

Voici donc qu'un soir en deuxième programme, on nous propose ce court-métrage, il faut savoir qu'en ce qui concerne les limites d'âges conseillées pour les visionnages de films, mes vieux étaient assez souples, voire laxiste et qu'au mieux, la présence du carré blanc (seuls les anciens comprendront) poussait ma mère à nous avertir d'éventuels images chocs, mais pas de panique c'est QUE du cinéma. La fameuse théorie du "le meilleur âge pour découvrir un film, c'est trop jeune". J'arrive à négocier une rallonge de temps avant d'aller au lit, mes petites soeurs y étant déjà, pour voir ce film, l'histoire d'un type absolument quelconque qui se retrouve coincé dans une cabine téléphonique.

Tout le film consistant à observer les vaines tentatives pour l'en sortir, le fort à bras qui s'échine sur la porte, les pompiers qui tentent sans succès de la briser, les différents outils utilisés, on observe avec ricanements ce pauvre hère piégé comme un poisson dans une nasse, la réalisation nous montre les témoins, partagés entre compassion impuissante à lui venir en aide et moqueries des enfants, on rit franchement, et à l'époque, je dois avoir 6 ans les symboliques du franquisme m'échappent totalement, je suis juste amusé par la situation rocambolesque que vit cet homme.

Face à l'inefficacité des tentatives pour l'en sortir, il est décidé d'appeler la compagnie qui a installé cette cabine téléphonique, qui débarque alors avec un camion-plateau sur lequel le malheureux est hissé pour être conduit, on suppose à l'usine où on pourra lui ouvrir la porte, s'en suit une séquence de voyage à travers la ville qui reste là encore sur le ton de la comédie, un peu noire, mais qui toujours invite d'avantage aux rires qu'à d'autres émotions. Enfin l'arrivée ....

Alors que le camion pénètre dans une espèce de complexe à moitié souterrain et que le malheureux est mené dans des sous-sols, puis des tapis mécaniques gérés par des bras robotisés, il finit dans un dépôt où l'on découvre horrifiés des centaines de cabines du même modèles, toutes renfermant d'autres victimes, dans des états de décompositions plus ou moins avancés, j'ai en mémoire notamment l'image d'un de ces désespérés qui s'était pendu avec le fil du combiné, et notre quidam abandonné, hurlant mais sans personne pour l'entendre. Noir. Fin.

Ce final a provoqué en moi, une claustrophobie absolue, qui m'a empêchée de prendre les ascenseurs, de vérouiller une porte, de toujours vérifier qu'un porte s'ouvrait facilement, il m'était impossible d'être dans une pièce trop petite tout seul, et même encore aujourd'hui 40 ans plus tard, si je reprend l'ascenseur, il suffit que je juge ce dernier trop vétuste pour préférer l'escalier.

Délire masochiste, je l'ai trouvé sur youtube, et j'ai voulu le revoir, la surprise en moins il reste quand même pour moi assez dur à voir, réveillant cette peur primale enfouie en moi.

Tandis que je n'ai que très, très rarement été effrayé par des films dont c'est a priori le but, films d'horreur et autres slashers, ce petit court-métrage espagnol qui en plus est de bonne facture d'où ma note assez bonne, fut un traumatisme.

Spectateur-Lambda
7

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le 18 oct. 2022

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