La cache aux trésors
4.4
La cache aux trésors

Court-métrage de Maxime Gobert (2005)

Ce n'est pas simple de noter son œuvre. La critiquer, ça demande un peu de temps, mais une fois le recul établi, ce n'est pas trop difficile de reconnaître ses erreurs. Mais noter... c'est plus dur car on est trop intimement lié au projet. Dire que c'est un échec, est-ce être trop dur ou faire preuve de condescendance ? Mettre une réussite, est-ce aussi de la condescendance ou bien de l'aveuglement ? Il y a d'autres solutions, mais c'est ce qui revient le plus souvent. C'est déjà pas toujours simple de critiquer et noter les œuvres d'amis. Personnellement j'ai tendance à être trop sévère, à vraiment chercher la petite bête. C'est pas sympa, mais j'ai la satisfaction d'au moins pointer des erreurs flagrantes là où d'autres serviront juste l'excuse du film fauché d'un amoureux du cinéma qui débute. Et puisqu'on a tendance à être aveuglé lors de la sortie de son film, autant que quelqu'un cherche à lui montrer ses erreurs plutôt que de le caresser dans le sens du poil. J'ai donc toujouré préféré dire ce qui n'allait pas, dans l'espoir que cela aide le réalisateur. Dit comme ça, c'est certainement prétentieux, d'où l'intérêt d'avoir plusieurs avis. Après, c'est au réalisateur de trier sur toutes les critiques. C'est d'ailleurs dommage qu'il n'y ait pas plus de critiques sur les films étudiants de SC. S'il n'y a que mon avis, ça n'a aucun sens. Et juste une note ne veut rien dire : par exemple je n'ai aucun mal à donner une bonne note à un mauvais film s'il m'a fait rire, mais dès lors il est important de se justifier, que la personne concernée ne se méprenne pas. Même si je considère qu'un bon "Turkish Star Wars" est autant intéressant que des films de Aldrich. Cela paraît fou, mais au final, c'est la satisfaction qui l'emporte, on adapte la grille d'évaluation en fonction du genre.


Bref... pour en revenir à la note, j'ai opté pour un 4/10. Pourquoi pas plus ? Car je pense qu'au vu des défauts formels et narratifs que je reproche aujourd'hui, si j'avais vu ce film sans y être intimement lié, je n'aurais pas aimé. Pourquoi pas moins? C'est plus difficile à dire... Je pense que l'idée en soi n'est pas mauvaise, que le traitement simple se suffit (ça ne fait que trois minutes, au moins je n'ai pas commis l'erreur de faire un court de 10 mn sur cette simple idée). Parce que ça ne me semble pas irregardable non plus (sauf peut-être le climax). Mais je ne saurais pas dire plus pourquoi... donc peut-être que je suis trop proche encore de mon film pour être neutre. J'ai précisé "aujourd'hui" parce qu'à l'époque j'étais très content de moi. Mais mes goûts ont évolué à un point inimaginable et ce que je trouvais cool à l'époque me semble tellement anecdotique aujourd'hui.


Critiquons : d'un point de vue narratif, j'apprécie donc le fait que cette idée simple soit traitée aussi... simplement. cela permet de jouer avec le sujet à fond, d'aller loin. Malheureusement, il manque un petit quelque chose qui m'aurait permis d'installer une fin plus solide. Ici, n'ayant pas vraiment d'objectif, j'ai opté pour la facilité : le film cyclique ! La fin, c'est le début ! Figure de style narrative bien pauvre car elle n'amène pas réellement de conclusion, ça ne fait que projeter le film dans une autre direction (supposée humoristique). De plus je quitte le problème du personnage, comme si de rien n'était, j'en prends un second. C'est très faible.


Je me souviens que mon professeur trouvait qu'au niveau du découpage ça ne partait pas assez dans tous le sens. Je ne comprenais pas à l'époque et m'insurgeais. je ne suis pas sûr d'avoir compris aujourd'hui, mais je ne m'insurge plus. En effet, j'aurais pu aller un peu plus loin, proposer une esthétique plus travaillée, avec des points de vue plus bizarres (mais pertinents, donc pas nécessairement au grand angle). Ici, mes mouvements de caméra sont souvent gratuits (le cadreur parkinsonien, c'était mon choix d'époque et pas juste pour donner du boulot à une personne tristement atteinte de cette maladie), c'est de la poudre aux yeux, ça ne sert pas à grand chose. Heureusement, quelques choix de plans restent sympathiques dans leur simplicité (profil, face gros plan). Les effets de style se multiplient lors du climax : ces coupures au noir, ces tremblements excessifs... tout ce que je déteste le plus viscéralement aujourd'hui. La raison d'être de ces effets est simple : c'est la meilleure façon que j'ai trouvée pour faire croire que je sortais un coeur par le nez... à l'époque je n'avais pas vu autant de films qu'aujourd'hui, si j'avais pu j'aurais même utilisé des CGI dégueulasses je pense. C'est moche !


Cœur ? vous n'aviez pas remarqué ? Une des plus fréquentes remarques reçues au sujet du film à l'époque, c'est qu'on ne comprend pas qu'il s'agit d'un cœur. J'ai mis un battement de cœur dans la bande son et thématiquement ça me semblait logique... mais la logique seule ne tient pas. Il faut montrer les choses et j'ai échoué en cela. En fait, je me suis mal organisé : j'ai été à la dernière minute chercher mon coeur de porc... il n'y en avait plus, j'ai donc du me rabattre sur le coeur de boeuf qui est tout simplement énorme ! C'était une erreur de ma part. Une erreur que j'aurais pu éviter si j'avais mieux préparé mon tournage. Car un tournage ça se prépare. Je trouve ça marrant quand on justifie ce genre d'erreurs par : ho mais c'est rien, il débute, il apprend. Oui mais ce n'est pas une raison pour ne pas en tenir rigueur ! Cette erreur crée un problème de lecture, elle est donc très grave.


L'acteur ? Dans toute ma modestie : c'est moi. J'écris, je réalise, je monte... autant jouer aussi non ? Je n'ai jamais été très bon acteur, mais j'avais l'espoir que ça viendrait avec le temps. En même temps retenir des dialogues m'a toujours été difficile (je me rappelle d'une pièce de théâtre de rue, j'avais une ligne à dire, j'incarnais le roi des fées, un personnage qui doit marquer lors de son apparition donc ; ma ligne c'était "je suis le roi des fées et je vous absous". Je n'ai pas pu... j'ai eu un blanc. L'horreur ! C'est sûr que ce fut une apparition mémorable), mais je persistais, j'ai ainsi joué dans quelques productions de mes amis jusqu'à ce que je me résigne quelques années plus tard (en même temps, je me dis que Richar Anconina continue de gagner sa vie en étant acteur, alors bon, tout n'est peut-être pas perdu). Mais à l'époque, j'y croyais, même si j'étais conscient de mes limites. Dans ce film il y a des plans où je joue vraiment très mal. Mais ce n'est pas que le jeu qui est mauvais. C'est le costume du personnage. Clairement, j'étais habillé pour me prendre une décharge de sang en pleine poire ! J'aurais dû acheter des costumes, créer une identité, même si ce n'était qu'un cliché. Pas quelque chose d'excentrique pour autant... mais on n'y croit pas trop à ce personnage.


Pour l'anecdote, ce fut amusant de rentrer chez moi couvert de sang. Les gens me regardaient d'un drôle d’œil dans le métro de Bruxelles. j'ai fait en sorte que mon proprio ne me voit pas rentrer ainsi, j'ai vite pris une douche, puis j'ai passé une heure à nettoyer le bac et les parois... Quant au cœur et aux litres de sang restant, nous avions trouvé amusant de tout laisser là en plan, non par plaisir de pollution mais parce que ça paraissait surréaliste d'arriver dans un parc et d'y découvrir un coeur de bœuf et quelques litres restant de sang.


Le travail de son, bien que mal mixé, n'est pas trop désagréable (dans mes souvenirs, c'était bien pire). C'est déjà ça. Il n'empêche que j'use une fois de plus d'effets de style bien facile et que je déteste aujourd'hui (comme quoi, regarder des films, ça permet de vraiment faire évoluer ses goûts).


Voilà, je crois avoir tout dit. Après, j'étais content de ce film, j'ai pu le passer dans quelques cinéclub de la région, le public était à chaque fois enthousiaste (en même temps ils étaient prévenus que c'était un projet amateur, donc préparés au pire) ; la bonne surprise, c'est que j'ai été contacté un ou deux ans plus tard par un petit festival Youtube pour qu'on diffuse le film. Pourtant la version était horrible, elle est encore dispo sur Youtube (et oui, j'ai re-uploadé mon film pour SC, j'ai du dépoussiérer mes vieilles boîtes pour récupérer ce trésor inestimable) mais en bien pire état aujourd'hui il est vrai (je ne sais pourquoi, maintenant il y a des freeze durant la vidéo...), mais donc ce n'était pas fameux à l'époque avec des trames trop visibles... un boulot mal exécuté lors de l'exportation en format AVI. Cette fois j'ai réglé le souci, ouf!


Ce film a aussi plu au jury de l'IAD (examen d'entrée) mais ça ne les a pas empêchés de me recaler à cause d'un entretien oral foiré (mais vraiment foiré... j'étais censé expliquer mon point de vue de réalisateur... je ne savais pas quoi dire... j'ai inventé, ils ont capté, ils ont alors profité de ma présence inutile pour se reposer, boire un coup avant que le prochain élève certainement plus compétent n'arrive). J'ai quand même été pris dans la section image, où j'ai pu réaliser un film sur pellicule au bout d'une année de glandouillage (au lieu d'apprendre le fonctionnement des vieilles caméra). Un bonheur sauf que je n'avais pas d'idées. J'ai tenté de faire une parodie de western, c'était lamentable. Quand je racontais le film aux gens, ils riaient et quand ils le voyaient ils restaient silencieux (le résumé d'après mes souvenirs : un vilain kidnappe une princesse et la menace avec des vieilles chaussettes sales ; notre héros vient lui mettre une raclée ; heuu j'ai oublié la fin ! il y avait un twist (aille) avec la princesse qui, je crois, se libère seule et fout une raclée aux deux cowboys... je sais plus... mais c'était mauvais). Après quoi j'ai définitivement arrêté.


Je crois que ce qui m'ennuie le plus dans cette passion, c'est le travail que ça implique : il faut tout prévoir, tout calculer ; ça n'empêchera pas l'imprévu de se pointer, mais au moins ça aide à être mieux paré pour y faire face. Moi je ne l'étais jamais. Et puis il y a tout ce travail relationnel qui est important : un réalisateur doit être diplomate avec tout le monde, mais aussi être ferme. Sinon c'est la cata. Et ça m'ennuie. Tous ces gens... d'où mon abandon de la scène. Écrire des scénarios m'intéresse encore, j'ai tenté le coup plusieurs fois, encore récemment, en vain. Là je préfère me consacrer à mes BD, même si là non plus je ne trouve pas vraiment de public. Comme quoi être artiste ce n'est pas simple. Mais il faut y croire. Continuer malgré les erreurs, erreurs qu'il faut assumer, tenter de comprendre pour, je pense, mieux évoluer.


Bref, finalement je mets 3/10. Parce qu'après énumération de tous les défauts, ça me semblerait malhonnête de mettre 4/10. "La cache aux trésors" part d'une bonne idée, mais souffre vraiment trop de ses effets de style. Misère ! Voilà qui est fait !

Fatpooper
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le 4 sept. 2014

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