Revisionnant quelques scènes de "Jagten", aujourd’hui je décide de mettre des mots sur ces pensées, images et acteurs qui restent dans un coin de la tête, quatre ans après l’avoir vu trois fois en quinze jours...Oui je sais, mais il ne m’a pas laissé le choix.
Film Danois de Thomas Vinterberg avec l’impressionnant Mads Mikkelsen, "La Chasse" est l’histoire d’un homme comme vous et moi, terrassé par des accusations de pédophilie.
Nous plongeons dans le quotidien d’une communauté danoise, ses habitants, sa culture, ses relations et Lucas, un ancien professeur devenu puériculteur... Je ne vais pas détailler l’histoire, il y a suffisamment de belles choses écrites sur ce site pour y trouver de savoureuses descriptions d’une insensée descente aux enfers.
Je souhaite juste appuyer ce texte sur deux points essentiels à mes yeux.
- Un récit manichéen. Rarement un argument positif, et certainement la première fois que je vais défendre ce raisonnement.
- Une performance d’acteur époustouflante.
Il y a dans ce film une analyse manichéenne éloquente dont certains y voient un défaut ou un manque de nuance. Je trouve ce point de vue absolument génial et révélateur de la situation anxiogène vécue par Lucas, la nuance n’aurait qu’altérer la puissance dramatique du récit.
Il y a donc le BIEN, enfants victimes ou pas, parents victimes ou pas, population du village, population du Danemark, population européenne...En somme, le BIEN est candidement, les opposés à la pédophilie. Le MAL lui, c’est Lucas. Car la vérité sort toujours de la bouche des enfants, Lucas entame un combat insurmontable, perdu d’avance, il représente le MAL et nulle justification, procès ou même mensonge avoué de l’enfant ne seraient nécessaire. Une bataille à la défaite inéluctable, appuyée par cette scène finale, déchirante.
Selon Vinterberg, la rumeur serait plus prégnante que la vérité, c’est justement cette logique qui donne tout son sens au film. Non il n’y a pas de gentils ou de gens bien intentionnés, Lucas est pervers et la rumeur l'emporte face à la vérité, que cette dernière soit découverte ou pas. « La Chasse » n’est pas tiré d’un fait réel, il est tiré de centaines de fait réels à travers le monde, une accusation de pédophilie est une blessure qui ne cicatrise pas, c’est un cauchemar éternel, indélébile.
Grâce à cette prise de position dans le récit, Vinterberg nous enferme et ne laisse place à aucune discussion, nous imposant surtout l’insupportable poids de cette accusation et crée de ce fait une opulente empathie envers Lucas, grande force de cette histoire.
La performance de Mads Mikkelsen nous offre une énorme palette de regards émouvants et convaincants, à la fois déterminé, colérique, soulagé, persuadé et effondré. Je ne crois pas avoir jamais ressenti autant d’empathie dans les yeux d’un acteur. (Michael Shannon s’en approche, surtout dans Take Shelter).
La scène de la messe de Noel à l’église est effroyable, le regard foudroyant porté à Theo (Thomas Bo Larsen très touchant aussi) son meilleur ami, vient se graver dans nos mémoires.
Thomas Vinterberg : « Mads a pleuré toute la journée et pour chaque prise exactement de la même façon. Je n’ai jamais rien vu d’aussi professionnel. La scène était préparée avec précision, mais on l’a tournée sous des angles différents et le personnage doit passer par différentes étapes émotionnelles. Il a pleuré pendant huit heures et peu d’acteurs en sont capables »
Une palme d’or à Cannes est venue justement récompenser ce travail.