La Colline aux coquelicots
6.9
La Colline aux coquelicots

Long-métrage d'animation de Gorō Miyazaki (2011)

Quelle position délicate que d’être l’enfant d’un artiste adoré des petits et des grands, nul doute qu’il ne doit pas être facile de s’engager sur la même voie que son illustre parent. Gorō Miyazaki avait réalisé son premier long-métrage, qui s’est avéré peu attrayant et qui avait déçu tant son paternel que l’auteure du livre adapté. Cinq ans plus tard, il rempile avec une nouvelle adaptation, d’un shojo cette fois.

Le scénario semblait annoncer une sympathique histoire d’amour comme sait le faire le studio. Et contrairement au film précédent de son auteur, sa narration a moins tendance à s’éparpiller. L’animation, de bonne facture, propose même des idées de mise en scène. Celle où les héros doivent attendre d’être reçus fait bien ressentir l’attente des personnages et est bien trouvée. Le foyer qu’ils doivent sauver, baptisé Quartier Latin, est fascinant. On comprend l’amour que ses membres lui portent et le film communique assez bien l’envie qu’ils ont de le préserver.

Mais ça n’empêche pas des ratés, notamment au début du film où l’héroïne, Umi, fait une balade à vélo avec Shun. Il y a une très belle chanson, Ue o muite arukou, plus connue en occident sous le nom de Sukiyaki, qui passe en fond, mais les personnages s’interpellent par-dessus, ce qui gâche la chanson et la scène.

Le film rend son personnage principal, Umi, touchante par son investissement dans les tâches ménagères et son rituel avec les pavillons marins, qui lui rappelle son père disparu pendant la guerre de Corée. Mais c’est parfois un peu trop appuyé. Certes, on peut imaginer qu’un adolescent japonais soit élevé pour aider à la maison et être responsabilisé, mais là, Umi fait absolument tout. En plus de la foule de devoirs qu’elle doit avoir, elle fait le ménage, la cuisine, les courses, s’occupe des pensionnaires et même des comptes de la maison. Pourquoi ce n’est pas la grand-mère qui les fait, elle a l’air d’avoir toute sa tête ? Le rôle d’aîné est important, oui, mais là, tout le monde compte trop sur elle, si elle s’en allait, nul doute que la maisonnée s’écroulerait comme un château de cartes.

Quant au cœur du film, l’histoire d’amour, de prime abord prometteuse, s’effondre en voulant évoluer. A un moment, Shun, ayant de sérieuses raisons de penser qu’Umi et lui ont le même père, décide de s’éloigner d’elle, car leur rapprochement n’était pas qu’amical. Soit. Malgré cette possibilité, ils se rendent compte qu’ils sont réellement amoureux l’un de l’autre et se l’avouent. Beurk, mais admettons. Mais soudain, à la toute fin, on leur révèle qu’ils ne sont pas frères et sœurs et tout est bien qui finit bien. Je ne dis pas que l’histoire aurait été mieux s’ils avaient effectivement eu le même père, mais ce genre d’explication qui arrive à la toute fin et qui résout le problème en un claquement de doigts, c’est la définition du deus ex-machina.

Pire encore, lorsque l'effroyable possibilité est évoquée devant la mère, qui a tout de même coupé les ponts avec sa famille pour être avec l'homme qu'elle aime, elle ne montre aucune surprise, ne doute pas un instant, ce qui est peu réaliste. Et lorsqu'on lui demande quelle aurait été sa réaction si son mari l'avait réellement trompée, elle répond avec un grand sourire une niaiserie que je n'ose pas consigner ici.

Si le film reste tout de même agréable à voir, il est imparfait et peu original. On espère que la prochaine fois sera la bonne.

Dal_MT
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le 10 juil. 2023

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Dal_MT

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