La Condition de l'homme 1 - Il n'y a pas de plus grand amour par ecnal
La Condition de l'Homme fait partie de ces trilogies difficiles à fragmenter tant l’œuvre ne prend forme qu'une fois les différentes parties assemblées. S'il y a trois films divisés eux même en deux parties c'est uniquement pour permettre aux spectateurs d'aller se ravitailler et se dégourdir les jambes. Ça a beau être magnifique trois fois trois heures ça fait toujours neuf heures. Ces neuf heures peuvent faire peur, en tout cas moi ça me faisait peur (surtout après Kwaidan…), mais les quelques longueurs inévitables pour ce type de fresque ne pèsent pas bien lourd dans la balance face aux indénombrables qualités de l'ensemble. La critique et la note valent pour l'ensemble de la trilogie.
Tatsuya Nakadai est extraordinaire/fascinant/magnifique dans le rôle de Kaji, un humaniste japonais embarqué malgré lui dans l'horreur de la guerre opposant japonais, chinois et soviétiques à travers la Mandchourie. Son interprétation tire clairement le(s) film(s) vers le haut puisque tout l’intérêt de la Condition de l'Homme réside dans l'affrontement entre les convictions de Kaji et l'absurdité de l'humanité symbolisée par une armée de second rôles globalement très bons. Ce n'est pas très joyeux, Kaji va de désillusion en désillusion. On est face à sa détresse comme lui face à la situation : impuissant. Et pourtant il se bat. Les événements s'enchainent et on continue d’espérer pour lui tout en sachant comment ça va se terminer. Pour survire il abandonne une à une ces convictions. Mais comment ne pas choisir la mauvaise solution quand on a le choix qu'entre de mauvaises solutions ? Lui ce grand idéaliste devient assassin et voleur. Pour terminer la longue marche entreprise au début du troisième film il ne lui reste plus qu'un seul moteur, l'amour de sa femme.
On présente souvent le découpage comme cela : un film avant la guerre, un pendant et un après. C'est selon moi une grosse erreur. La guerre est omniprésente, seule la position de Kaji change : tour à tour dominant, combattant et dominé. Le film est très critique vis à vis de l'impérialisme japonais, ce qui est à saluer quand on voit la date de sortie des différentes parties, mais le message délivré par Kobayashi est on ne peut plus universel. L'histoire pourrait très bien se dérouler sur un autre continent à un autre siècle, malheureusement. Si le message est universel c'est aussi parce que Kobayashi ne fait que poser des questions auxquelles Kaji ne sait pas répondre.
Pour terminer, un léger point négatif : le bruit de certaines armes. Bizarrement les différentes fusillades n'ont pas dû avoir le même bruiteur, certaines font un peu cheap. Mais rien de bien méchant. D'ailleurs la réalisation de Kobayashi est excellente, si elle sublime certaines scènes elle sait aussi s’effacer lorsque le propos est assez important pour ne pas être souligné quinze fois.