Avant même la sortie de Escape from the Planet of the Apes, troisième film de la saga, le scénariste Paul Dehn planche sur le scénario d'un nouvel opus. Paul Dehn se base sur le phénomène décrit par le personnage de Cornélius dans le troisième film : le fléau ayant exterminé les chiens et les chats de la Terre, cette pandémie aurait amené les singes à devenir les animaux de compagnie des hommes, puis finalement leurs serviteurs.

Dans son scénario, il présente son action en trois actes. Le premier se déroule au cirque d'Armando, tandis que le deuxième est l'évocation de la peste féline et canine. Le troisième, lui, met en scène la révolte, façon soulèvement d'esclaves dans les plantations, de Milo face à un cruel maître nommé Breck. Pour ajouter un suspense supplémentaire, Paul Dehn souhaite également que les deux agents de la CIA ayant interrogé le couple Zira et Cornélius dans le précédent film mènent une enquête afin de savoir ce qu'il est advenu de Milo. Le final de l'histoire se déroule ensuite dans un cirque où des humaines sont sur la piste tandis que des singes se trouvent sur les gradins.

Finalement, au fil des réécritures, Paul Dehn change de cadre et délaisse le cirque et la plantation pour une métropole futuriste. Breck change également de fonction : de maître esclavagiste, il devient le maire fasciste de cette métropole. Cependant, des éléments de cette première écriture persistent dans le scénario final, notamment la vente de César au marché aux esclaves. Dehn emprunte aussi quelques éléments au scénario refusé de Pierre Boulle (auteur de La Planète des Singes, faut-il encore le préciser) pour le deuxième film de la saga. Parmi ceux-ci, il y a la conquête de la ville qui renvoie chez Boulle à la prise par les humains de la cité des singes, jusqu'au massacre final, perpétré par César avec le même détachement que Sirius, le héros du scénario rejeté.

Pour la réalisation, le producteur Arthur P. Jacobs propose le poste à J. Lee Thompson. Il lui avait déjà proposé le poste pour les précédents films de la saga, mais des problèmes d'emploi du temps avaient toujours empêché les deux hommes de travailler ensemble. Cependant, cette fois-ci, Thompson est libre et décide donc d'accepter le poste. Malheureusement le studio de production 20th Century Fox n'alloue au film qu'un budget restreint de 1.700.000$, soit le budget le plus faible de toute la saga.

L'acteur Roddy McDowall revient pour la troisième fois dans la saga (il était absent du deuxième opus) cette fois sous le maquillage de César, le fils de Cornélius, le précédent personnage qu'il a interprété. Pour McDowall, Cornélius, n'est pas un personnage aussi intéressant que César à jouer. Le père a un sens de l'humour bienveillant, de type scolaire, et il tient du conciliateur. Il n'avait pas les complexités de nature que présente le rôle du fils qui verse dans le despotisme.

Pour les maquillages, les spécialistes Joe DiBella et Jack Barron recyclent le grimage de Roddy McDowall dans le rôle de Cornélius pour fabriquer les prothèses faciales de César.

Comme le budget alloué ne permet pas d'embaucher un grand compositeur, les producteurs se tournent vers le musicien de jazz Tom Scott. La bande originale trouve alors des sonorités caractéristiques d'un orchestre de jazz. Scott y incorpore également le son d'un instrument de sa conception : le dakabello. L'ouverture de la bande originale débute par une tonalité cocasse, évoquant le cirque qui permet de montrer le point de vue condescendant des humaines sur leurs domestiques, les singes. La partition prend ensuite une tournure féroce pour accompagner la mutinerie des simiens.

Conquest of the Planet of the Apes sort en 1972.

Le premier montage du film en aurait fait le film américain grand public le plus explicitement violent du début des années 1970. Il montre des plans d'humains et de singes abattus en pleine face, des corps sanguinolents et des policiers morts empilés comme du bois de chauffage. De plus, le gouverneur Breck est battu à mort par les gorilles à coups de crosses de fusils sur la demande de César. À la vue de ce montage, les cadres du studio pressentent qu'ils vont perdre leur certification tout public. Ces scènes, rappelant trop les émeutes de Watts de 1965, pourraient provoquer un regain de violences militantes aux États-Unis.

N'ayant pas les moyens de tourner à nouveau ces scènes, J. Lee Thompson est obligé de couper toutes les séquences sanglantes, tandis que Roddy McDowall refait son discours final pour plaider la mansuétude et dissuader les gorilles de tuer Breck. Cette séquence n'est pas non plus modifiée, la caméra se contentant de zoomer sur le regard de César, ce qui élimine toute nécessité de synchronisation labiale.

Heureusement, en 2008, Conquest of the Planet of the Apes sort en version extended, dans son premier montage, avec le discours révolutionnaire de César et la fin qu’il entraîne.

Le film baigne dans une ambiance de dystopie avec son décor urbain inhumain et aseptisé, l’omniprésence des forces de l’ordre et sa surveillance permanente. La violence est également très présente à travers les scènes d'émeutes et les scènes d’interrogatoire et de torture. La violence imprègne alors les films américains de l'époque. Ainsi, la mort d'Armando, toujours interprété par Ricardo Montalban, vient invalider l'idée que César éprouverait de la bonté humaine. Il bascule lui aussi dans la violence et organise une révolution dont le but est de détruire pour toujours l'humanité.

Le film s’inspire également de la période de l'histoire américaine du maccarthysme. Le gouverneur Breck, à la manière du sénateur Joseph McCarthy, établit des fiches sur ses concitoyens et des listes noires d'éléments indésirables (mention honorable à Severn Darden qui incarne l’inspecteur Kolp, le plus froid et effrayant d’entre tous, loin devant le gouverneur Breck).

Plus encore que les précédents films de la saga, le film traite principalement du racisme, des inégalités sociales et du militantisme mais sans toutefois encourager la rébellion armée. Le scénario déroule le fil des événements jusqu'à ce jour où les singes apprennent à dire « No ! ». Il s'agit d'une métaphore du combat pour les droits civiques et du Black Power. Quand les singes rebelles sont aux prises avec les policiers anti-émeute, le film s'inspire très clairement des émeutes de Watts à Los Angeles en 1965. Le réalisateur J. Lee Thompson s'inspire explicitement de ces évènements par sa façon de filmer l'action à la manière d'un reportage de journal télévisé ou d'un documentaire.

Le scénariste Paul Dehn fait un parallèle évident entre les singes de 1991 et les afro-américains de 1791. Tous deux ont été expédiés d’Afrique contre leur volonté, vendus aux enchères, maltraités par leurs maîtres et n'ont aucun droit. C'est sans doute pour appuyer ce parallèle que le personnage qui aide César est MacDonald, interprété par Hari Rhodes, l'afro-américain et bras droit du gouverneur. Cependant, si le film montre un héros menant une révolution de singes esclaves, il veut avant tout faire réfléchir le public sur les événements violents qui secouent la société américaine. Il joue sur la peur latente que les descendants d'esclaves s'unissent et se soulèvent contre les oppresseurs blancs.

Conquest to the Planet of the Apes conclu parfaitement la saga. La boucle (temporelle) est bouclée. L’avènement de César est réussi et choquant !

StevenBen
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Créée

le 20 janv. 2023

Modifiée

le 13 mai 2024

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Steven Benard

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