Ne tirez pas trop sur la corde !

Un huis-clos chez Hitchcock : l'idée m'emballait, moi qui venais de voir son étonnant Lifeboat !
Pas de raison de faire la fine bouche d'autant que La corde est souvent cité comme l'un des chefs d'oeuvre du Maître (bien plus souvent que Lifeboat d'ailleurs). Bon. Est-ce parce que je partais conquis que je ne l'ai pas été totalement ? Qu'est-ce qui cloche vraiment dans ce petit bijou d'ingéniosité en matière de mise en scène ?
Peut-être tout simplement l'histoire, qui a mal vieilli (on ne croit plus vraiment à ce jeu de deux étudiants - trop - propres sur eux qui par quête du meurtre parfait, liquident un des leurs), ou alors la construction un brin casse-gueule du film. On commence par cette image impressionnante de l'agonie de la victime, corde autour du cou, qui ne dure qu'une poignée de secondes. les deux complices se débarrassent du cadavre en l'enfermant dans un coffre au centre du film. Impressionnant. Mais en s'offrant un aussi bon démarrage, Hitchcock choisit donc de "tuer" (avec sa victime) tout suspense : l'ouverture du coffre par James Stewart près d'une heure plus tard n'a plus quasiment aucun impact…
Finalement, le film repose sur cette question toute simple : les deux étudiants seront-ils démasqués ? Au vu de leur singulière attitude tout au long de la soirée, il ne fait aucun doute que ce sera le cas… D'ailleurs, dommage aussi que les codes de censure aient empêché de développer le lien qui unit ce couple vraisemblablement homosexuel. Un peu de tension sexuelle n'aurait pas nui à l'ensemble…. (oups, on est en 1948 !).
Mais on peut aussi se dire que la mise en scène de Monsieur Alfred à elle-seule justifie que l'on puisse encore prendre plaisir à regarder La corde. Le long plan-séquence sur Mrs Wilson (Edith Evanson) débarrassant le dessus du coffre pour y ranger des livres, pendant que des autres personnages on n'entend que la conversation, continue de provoquer un plaisir jubilatoire et oppressant.
A noter aussi que Hitchcock, à son habitude, gâte tous ses personnages, même les plus secondaires, comme Mrs Atwater (Constance Collier) irrésistible de bêtise et digne des meilleurs personnages de comédie de l'époque.
Allez, on l'aime bien ce film et à Hitchcock, on ne passera pas autour du cou la fameuse… corde !