Il y a des films que l'on découvre par hasard, dans le catalogue d'un service de streaming, qui nous interpelle par leurs genres, leurs communications, ou même un auteur dont on connait au moins un fait d'arme marquant. Si le dernier point ne se confirme pas, car ayant pris conscience de la filmographie du réalisateur après coup, La Crise Carnivore rentre complètement dans la case de ces films que j'aurais pu ne jamais voir, voire même jamais connaitre. Il est vrai que le réalisateur est un poids lourd de l'animation espagnol, mais je n'ai jamais été un grand adepte de l'animation espagnol, et mis à part le cinéma d'Alberto Vasquez, je n'ai jamais vraiment été intéressé. Il y a bien eu Klaus de Sergio Pablos et Carlos Martínez López, mais c'est bien parce qu'il a obtenu des nominations aux Golden Globes et aux Oscars, et pas tant par son identité espagnol. J'ai été extrêmement surpris d'apprendre que Psyconautas, véritable classique de l'animation underground et horrifique, n'avait pas été entièrement réalisé par Alberto Vasquez qui était l'auteur de Psyconaute (la BD originel) ainsi que la première adaptation avec le court métrage Birdboy, mais qu'il avait été secondé par un réalisateur qui avait déjà de la bouteille dans le long métrage. Avec le recul, j'aurais été intrigué de tomber sur La Crise Carnivore si j'avais su la parenté entre son réalisateur, Pedro Rivero, et Psyconautas, et c'est en voyant le film que je me rend compte que j'aurais aimé être averti par la qualité passablement daubesque et lamentable de ce dernier.


Sachant qu'il est désagréable de lire les critiques trop agressives, j'aurais aimé relever un semblant d'intérêt au film, essayer de convaincre les plus endurci de ne jamais essayer le visionnage de ce film à l'utilité négative, mais force est de constaté qu'après multiples visionnages, il va m'être difficile d'accorder un quelconque intérêt à regarder La Crise Carnivore. Le film est artistiquement une honte qui ne sait même pas colorier une scène correctement. On a certains ombrages et contrastes qui se confondent sur certaines scènes avec l'arrière plan, et donne l'impression que l'on a oublié de coloriser les personnages correctement. L'animation est bas de gamme et donne l'impression d'avoir été animé sur un logiciel pédagogique pour apprendre l'animation aux collégiens, si bien que l'animation est laide à en rendre jaloux les pires jeux mobile flash douteux. Les dessins quant à eux ont le mérite de représenter assez fidèlement la jungle sous 10 décors, ainsi que des animaux reconnaissables sans trop de difficulté, même si certains sont parfois moche à en remettre en question leurs existences sur l'échelle de Darwin (à ce compte là, je pense notamment aux faire valoir sexuel tigresse/panthère qui rappelle énormément les chameau rasé du Roi Lion version Mondo Cinématic Univers). "Heureusement" la bande original est fantomatique aux mieux car, si cela devait suivre le niveau des graphismes, on aurait surement eu une partition musical qui donnerait envi d'être sourd, mais "heureusement", le mixage son arrive à offrir un aperçu de la maitrise du son par le long métrage qui est proche de l'amateurisme. Vous l'aurez compris, à travers cette courte description tristement cinglante de la réalisation qui retranscrit pourtant la réalité au mieux, le film n'est pas agréable à regarder, et cela peut s'expliquer par la démarche même du film.


La crise carnivore est un film anticonformiste, c'est peu de le dire. C'est un film réalisé dans les années 2000, une période d’ébullition des talents européens, ainsi que d'une exacerbation d'une haineanti-Disney qui se traduit par des films qui, pour certains, cherchent à faire tout sauf un certain modèle imposé par les majors américaines en animation, notamment Disney. Que ce soit de manière implicite (à travers la mise en scène d'un royaume animal en parfait opposition au Roi Lion, mettant en avant la hyène et cherchant à littéralement faire tomber le roi lion, ou même une structure narrative cherchant à s'éloigner du conte proposé par Disney (on a largement le temps d'y revenir)) ou de manière plus ou moins subtile (à travers la débauche de sexe et d'ultra violence, voire carrément mettre en scène un toucan toco pour représenter un plagiat assumé de Zazu), le film s'évertue à se détacher le plus possible de Disney et de se convaincre de sa prétendu maturité. On y retrouve des schémas que l'on retrouvera dans Psyconautas (comme la figure du héros déchu amené à revenir), ainsi qu'une volonté de raconter un propos sur la nécessité de s'émanciper du système en place afin de reprendre en main une identité perdu. Sur le papier, cela donne presque envi de s'engager... j'ai bien dit presque.


Le problème est que le film n'a aucune maturité, ni même de sur-moi, lui permettant de prendre du recul sur ce qu'il propose, et de se fixer une ligne rouge entre le propos réfléchi et la simple extériorisation d'une frustration bête et puéril. Je parlais de l'ultra violence et d'un besoin de se prouver une maturité à travers la représentation d'action que Disney s'interdit par code moral. Ces scènes sont écrite et mis en scène avec aucun finesse, encore moins de réflexion et de maturité qu'un épisode d'Happy Tree Friends, un aspect critique et humoristique encore plus bas qu'un dessin satyrique de maternelle ou même d'un film de Friedberg et Seltzer, ainsi qu'un focus sur le sale encore plus insisté que les reportages de faits divers les plus perturbants à ce sujet. Pour vous donner le niveau de bêtise du film, entre les différentes morts gratuites et sans intérêt aucun, on a une scène où un ours polaire simple d'esprit imite une crise d'épilepsie, ou encore, on a une scène où une hyène vol dans les airs pour atterrir dans un arbre, empaler à une branche d'arbre par l'anus. On pourrait sourire face à cela (surtout la dernière, j'espère grandement que l'imitation d'une crise d’épilepsie ne fait sourire personne, au quel cas vous avez de sérieuses questions à vous poser), mais aucune scène n'arrive à être drôle ou même marquante car rien n'est signifiant. La violence mis en scène n'a pas pour but de faire avancer le récit ou même d'accompagner le message promulgué par le film (c'est volontairement pas entièrement vrai, mais on y reviendra après), mais est employé comme divertissement et source de distraction dans une jungle dont on est rarement intéressée. On s'emmerde sec dans cette jungle où tout le monde cherche à renverser le pouvoir en place, mais qui est amené à échoué par pirouette scénaristique. Surement que le réalisateur l'a bien compris, car il n'hésite pas à ajouter les scènes violentes et gore pour capter l'attention, ce qui fait que plus de la moitié du film ne consiste qu'à mettre en scène la mise à mort d'un personnage, qu'il y ait une logique ou non. Le côté divertissement est renforcé par un ton léger et comique des scènes d'exécutions, ou encore à travers la bêtise affligeante des personnages qui donnent l'impression d'avoir été écrit par un collégien (et pas un qui est prêt à passer le brevet). Cependant, la "satisfaction" de ces scènes de violence n'est même pas présente car on sent une pudeur et une retenu face à ce que l'on met en scène. Ce n'est pas tant un défaut car cela vient surement du fait que si l'on devait représenter ce que les personnages font, le film n'aurait jamais pu être possible, et que le film ne manque absolument pas de violence pour être grossier et vulgaire car, à ce niveau là, pas une scène n'est en dessous des autres (pour le coup je suis un peu mauvaise langue, les scènes de dialogues entre les crocodiles et la hyène vers la fin du film ont parfois un peu de classe, les seuls potables scènes du film). Le soucis étant que si de nombreux réalisateurs ont expérimentés différentes manière de mettre en avant les événements hors champ, le réalisateur a visiblement jugé qu'il en aimait aucune d'entre elle et a décidé de mettre en scène le hors champ de la manière la plus fainéante, plate, et inélégante qu'il soit. Chacune à leurs manière, les scènes de violence seront représentés avec le moins de classes et de détails possibles, ne conservant que la brutalité immature et l'immaturité de son auteur qui se croit plus subversif qu'il ne l'est. On ressent toute une fierté et une satisfaction que de (littéralement) faire chanter ces animaux en leur faisant dire "Pipi caca", ou encore à s'évertuer à un rythme épuisant où l'on court à qui sera le plus bête et désagréable en un minimum de temps.


On pourrait presque trouver un intérêt à cet anarchisme perpétuelle, mais cela n'a aucune forme d'impact sur un quelconque propos car, même avec la meilleur volonté du monde, le film est raté. D'une part, la structure même du film a énormément de problème, malgré qu'elle soit pauvre et redondante, à base d’allée et retour entre les différentes révoltes et le complot royal. Il y a vaguement l'ombre d'un chapitrage, selon les différentes règles imposés par les herbivores, mais ça fait très artificiel et ça n'arrive jamais à être pertinent. Le principal soucis est qu'on ne comprend rien tant tout est un brouillon illogique d'une société animal où la hyène doit faire ami/ami avec tout le monde alors que tout le monde ou presque le déteste. Mais plus que les règles de la société qui n'ont aucun sens, le soucis réside même dans le comportement des personnages qui sont déraisonné car tous approchent les 2 de Qi cumulé. On tombe dans une boucle, comme dans des séries d'animations cartoon français de mauvaises qualités à la Objectif Blake où le scénario n'est que prétexte à un divertissement immédiat, et où il n'y a pas de réel propos mis à part une exacerbation et une revendication d'une liberté retrouvé. C'est pour cela que je vous ai dis plutôt que la violence n'amène aucun propos car, mis à part pour le simple plaisir d'être violent gratuitement et d'être contre les conventions Disney, cela ne raconte rien. Pourtant, et c'est bien là la le plus gros échec du film, celui-ci cherche à adopter un propos.


A travers le personnage de la hyène, le réalisateur veut souligner l'absurde de la société qui, lorsqu'elle cherche à aller contre sa nature et fait confiance aux mauvaises personnes, est tellement ridicule qu'on a envi d'en rire. La violence illustre une confrontation entre l'utopie (qu'elle vienne des espoirs des animaux ou même du portrait idéalisé de l'imaginaire que peut dresser des films comme ceux réalisé par Disney) et la dure réalité des faits... sauf que le film n'a tellement pas de cohérence et de logique que le tout sonne plus comme une parenthèse irréel et malade plus qu'à un semblant de réalisme. On pourrait presque espérer une forme de divertissement à travers cette violence extrême, un peu à la The Sadness de Rob Jabbaz récemment ou même d'un [REC] qui sortira l'année d'après, mais même pas. Le film est d'une gentillesse extrême, accumulant les morts d'une banalité inquiétante, qui ferait passer les morts de L'odyssée de l'espèce pour un film d'horreur Rated-R. Le film devient alors plus minable que véritablement dérangeant, car si la violence et l'histoire agace par son absurdité, cela ne nous agace pas pour une quelconque remise en question d'acquis. Dans un certain sens, le film énerve plus pour sa retenu hypocrite et lâche car à force de nous imposer des longueurs et un récit inconsistant sur le compte du reniement des codes, on demande à ce que cette pensée anti-système aille jusqu'au bout de son idée. On aimerait que le film puisse bouger les codes et critique le côté sage des films d'animation grand public, que ce soit une vrai zone de non droit qui parle de l'animation, pas un simple bac à sable où son réalisateur se met peut y trouver une safe zone présumé où il aurait le droit de tout faire et ne jamais assumer ses actions. Le film finit presque à promouvoir les codes de bienséance qu'il critique, car à force de ne rien proposer d'intéressant, on se retrouve à subir les défauts qu'amène le non-respect de ces dites règles.


J'ai rarement vu un film qui touche le fond à ce point. C'est un échec artistique, technique, réflexif, que beaucoup pourront surpasser et que peu pourront défendre décemment. C'est un film immature et misérable, qui représente le pire d'une époque, et qui n'a de mérite que d'être une preuve qu'on peut toujours trouver pire, même en ayant vu les pires atrocités.


2,25/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.

Youdidi
1
Écrit par

Créée

le 5 nov. 2023

Critique lue 12 fois

Youdidi

Écrit par

Critique lue 12 fois

Du même critique

Le Chat potté 2 - La dernière quête
Youdidi
9

Chat Potté 2: la dernière conquête

Il n'est pas rare que les contes, ainsi que les récits de la littérature orale, commence par "il était une fois...", "Il y a bien longtemps" [...] Le temps de la mémoire nous situe dans une longue...

le 21 déc. 2022

26 j'aime

2

Élémentaire
Youdidi
9

Simple comme bonjour

Malgré les dernières créations du studios qui n'ont pas toujours su briller, parfois allant dans de l’indécent vis-à-vis de leurs anciennes licences, Pixar a toujours eu le don de me faire voyager et...

le 18 juin 2023

13 j'aime