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La Danseuse
6.5
La Danseuse

Film de Mikio Naruse (1951)

oct 2010:

S'il y a bien un Naruse qui m'a fait penser à Douglas Sirk, c'est bien celui-là. La filiation parait évidente.

Une femme tiraillée entre une histoire d'amour adultérine et ce sentiment de culpabilité vis à vis de son mari et ses enfants. Où se placer? Quelle part de liberté peut-elle s'octroyer? Quelle autre de responsabilité l'aliène-t-elle à son sort? Mikio Naruse ne simplifie pas son propos, l'époux manquant également à ses devoirs, trop distant, trop muet. Comme souvent, l'incommunicabilité est à l'origine du dysfonctionnement conjugal et la famille éclate lors d'une scène paroxystique où tout le monde déverse d'un seul coup tout son plein d'amertume longtemps contenu. Mais une fois l'abcès crevé, la tension ne faiblit pas pour autant et les personnages continuent de s'enfermer sur eux mêmes. Seuls les enfants essaient de réagir. Ils rappellent en cela ceux de "Tout ce que le ciel permet" avec moins d'agressivité peut-être dans l'intrusion. Ce que vit Mieko Takamine est le dilemme universel que connait Fred McMurray dans "Demain est un autre jour" : continuer et approfondir une relation amoureuse avec ce que cela suppose d'aventureux ou essayer de sauver une relation conjugale essoufflée, lui redonner une seconde chance, le lustre d'antan qui a le charme du souvenir et de la jeunesse?

S'immergeant dans le monde de la danse classique, Naruse utilise joliment la musique classique pour décorer son drame et souligner la souffrance que subit chaque membre de cette famille, les déchirements et les angoisses qu'engendrent cette cassure. L'intelligence du scénario de Kaneto Shindô affleure notamment dans l'expression de chacun. Les personnages, s'ils laissent parfois échapper des élans de fureur et de crainte qui les limitent et les enferment dans de courtes vues égocentriques, parviennent tous à un moment ou un autre de dépasser ces clichés et à élargir leur vision des évènements, comme si l'humaniste Naruse ne pouvait se résoudre à raconter une histoire superficielle ni à abandonner ses personnages à des horizons aussi bornés. Il aime ses personnages et les veut plus braves, plus grands, car il croit vraiment en la force de l'humanité et ses ressources par instants étouffées. Encore un trait similaire à Sirk.

Dommage qu'il ait fait appel à Mieko Takamine dont le jeu me déplait parfois. Je la trouve un peu fade. Ce n'est pas systématique, mais suffisamment souvent pour que je ne parvienne pas à lui trouver du charme, ni même à éprouver un peu de sympathie.

La thématique me plait mais les acteurs ne transcendent pas vraiment le récit. Je ne ressens pas l'étincelle qu'une Hideko Takamine ou un Tatsuya Nakadai savaient si bien déclencher par ailleurs.

Un bon Naruse qui mériterait tout de même une édition dvd (ici il s'agit d'une diffusion de la télévision nippone).
Alligator
8
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le 14 avr. 2013

Critique lue 195 fois

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2

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