N’essaie pas de me baiser, mon vieux, ou je te fous dans un tel état qu’il te faudra déboutonner ton col pour chier !




Une retraite méritée pour Harry



1988, voilà déjà 17 ans que le flic le plus culte de tout les temps incarné par un charismatique Clint Eastwood a vu le jour. Une aventure qui débuta en 1971 sous la réalisation de Don Siegel avec ''L'Inspecteur Harry'', qui connu une suite en 1973 avec ''Magnum Force'' par Ted Post, jusqu'à former une trilogie en 1976 avec ''L’inspecteur ne renonce jamais'' de James Fargo, que Clint Eastwood viendra parachever en 1983 avec ''Le Retour de l'inspecteur Harry''. Une saga durant laquelle on explore tout du long à travers un œil critique ayant fait débat, les limites d'un système judiciaire qui enchaîne les invraisemblances pour un laxisme des règles définies entraînant une injustice totale envers les victimes pour toujours plus de droits pour les bourreaux. Une structure friable dans laquelle gravite l'inspecteur "Harry Callahan", flic aux méthodes bourrues garantes d'un système qu'il a en horreur mais qu'il sait nécessaire. Une justice dont il tente de réparer les nombreuses injustices en agissant avec sévérité jusqu'à l'extrême limite de la loi. À défaut de proposer mieux, Harry se positionne comme le mal utile de cet ordre malade, faisant le calvaire des criminels ainsi que de sa hiérarchie et le bonheur des victimes. Une direction que suivra avec vigueur l'inspecteur qui durant le quatrième film transgressera fatalement ses propres règles en couvrant les meurtres d'une femme violée. Un acte plein de sens basculant Harry du côté des transgresseurs. L'échec d'un flic qui pour la première fois délaisse son badge pour devenir un justicier, chose qu'il avait toujours combattu. Un homme au-dessus des lois appliquant sa propre sentence. Une finalité offrant une conclusion amère en adéquation avec la vision initiale de Don Siegel.


Voilà pourquoi "La Dernière Cible" réalisé par Buddy Van Horn, en tant que cinquième et dernier épisode de la franchise se dresse comme une aventure gratuite. Un contenu additionnel sans conséquence que l'on pourrait voir comme l'enquête de trop, mais que j'accepte en tant que baroud d'honneur pour l'inspecteur qui tire sa révérence. Une conclusion qui va délaisser la vision noire, fataliste et dogmatique de son personnage qui se contente de simplement jouer les flics qui flingue à tout va. Terminer le raisonnement social gravissime et morose. Une caricature du personnage qui n'est nullement méprisé mais au contraire glorifier dans une posture bien moins dramatique et grave, dans laquelle il est lavé de tout ce qui en faisait un personnage controverse pour devenir une figure héroïque presque louable, en tant que nouvelle coqueluche des journalistes avec des supérieurs qui se retrouvent à faire la lèche à l'inspecteur et même des criminels à jouer les gardes du corps pour lui. Une grande première ! Loin de sa signification d'origine, avec La Dernière Cible Harry se transforme en une vision blockbusterisé pour devenir un personnage populaire accessible au grand public. Tous les ingrédients du blockbuster inconséquent sont réunis. On retrouve un héros manichéen dont on délaisse l'aspect traumatique et désespéré pour un maximum de divertissement appuyé par un humour moins cynique et davantage humoristique, qui se conçoit comme un spectacle d'action libérateur concentré en un temps record de 89 minutes. Sans être totalement dévoyé, Harry y laisse son âme. Un élément que reconnaît le cinéaste lui-même qui sur un scénario de Steve Sharon, va projeter Harry dans le monde hypocrite du cinéma sur les traces d'un sociopathe. Un psychopathe qui va caricaturer dans une version médiocre un cinéaste controverse de part son positionnement cinématographique radical qui fait débat au sein des critiques. Une approche à clairement mettre en évidence avec le détournement dévoyé du personnage d'Harry. Faute avouée est à moitié pardonnée.



Les avis c’est comme les trous du cul, tout le monde en a un.



Si le propos général est moins alarmant, Buddy Van Horn propose une action divertissante par le biais de nombreux rebondissements où se mêlent courses-poursuites, fusillades et explosions. Le cinéaste parvient à renouveler l'action à travers des scènes imaginatives comme lors de la course poursuite endiablée avec une voiture télécommandée explosive. Une séquence haletante. On retrouve la fameuse scène obligatoire pour tout épisode de la licence L'inspecteur Harry qui se respecte avec une prise d'otages dans un restaurant. Une situation périlleuse que Callahan va régler avec son fameux magnum.44. Sachant, qu'il va pouvoir compter sur son nouvel équipier, l'inspecteur ''Al Quan'' (Evan C. Kim), pour distribuer quelques bons coups de pied. S'ajoute la confrontation finale ayant lieu dans un décor cinématographique idéal pour offrir une ultime vision emblématique et démesuré de l'inspecteur. Une illustration fantasmagorique où Callahan apparaît avec un fusil harpon terriblement disproportionné instaurant à jamais un statut iconique au personnage. À défaut d'avoir une conclusion mouvementée face à un adversaire qui à aucun moment n'avait la moindre chance contre Harry, on se régale au moins du plan final. Un moment fort où lorsque Harry appuie sur la gâchette harponne violemment l’ignoble sociopathe (dont je garde l'identité secrète) qui se retrouve clouée au mur. Chose étonnante, Harry l'abat froidement alors qu'il n'est plus armé, délaissant la fameuse légitime défense pour radicalement devenir un justicier qui en a plus rien à foutre ! Je veux bien que ça amène un côté transgressif fun, mais un moment donné on est dans une saga. Il faut respecter ce qui a été fait avant pour la crédibilité et la logique de la continuité scénaristique. Il était temps que l'aventure s'achève.


Niveau réalisation le cinéaste fait le job à travers une mise en scène qui sans être transcendante garantie une structure suffisante pour son périple. Le fameux décor d'une Californie violente oppressante est délaissé au profit d'une population beaucoup plus aisée à travers le monde du cinéma. La composition musicale de Schifrin Lalo, est sympathique bien que désuète en comparaison du groupe des Guns N' Roses, qui nous régale avec "Welcome to the Jungle". Clint Eastwood sous les traits de l'inspecteur Harry Callahan est en mode « je fais le strict minimum » dans une mouvance bien moins traumatique pour un côté agressif humouristique. Heureusement, Clint parvient à maintenir une posture charismatique pour son personnage. Seulement, on sent qu'il en a plus rien à fiche et que Harry s'est fini pour lui. On ne pourra même pas profiter de son fameux bouledogue "Patate", disparu du champ d'honneur. S'il y a au moins une "surprise" à tirer de ce cinquième opus, c'est sa distribution de rôles secondaires. Voilà que se pointe Jim Carrey en tant que Johnny Squares, chanteur accro à la cocaïne. Un petit rôle durant lequel ce cher Jim nous gratifie d'une performance déjantée qui fera plus tard son succès. Vient Patricia Clarkson sous les traits de la journaliste Samantha Walker. Un personnage oubliable qui a le mérite d'offrir une vision du journalisme capable de se remettre en cause. Le couple qu'elle forme avec Harry est d'une futilité étonnante. Après Jim et Patricia, c'est au tour de Liam Neeson de venir nous faire un coucou sous les traits du cinéaste Peter Swan. Un rôle antipathique plutôt amusant où celui-ci se fait une joie de critiquer le système Hollywoodien. Une réprobation où on peut lire entre les lignes une critique contre le studio, qui a imposé le retour de l'inspecteur Harry au lieu de le laisser reposer en paix avec un quatrième opus qui pourtant offrait la meilleure clôture possible à la saga via un Clint Eastwood impliqué.



CONCLUSION :



Avec La Dernière Cible, Buddy Van Horn sait qu'il remet au grand jour un personnage culte qui aurait mieux fait de rester en sommeil à travers une enquête qui va offrir des adieux en dessous de ce que l'on aurait pu espérer. À défaut de livrer un grand Harry, le cinéaste va livrer un baroud d'honneur du personnage iconisé à outrance dans un schéma où l'inspecteur perd toute sa noirceur traumatique pour se transformer en une vision blockbusterisé afin de devenir un personnage populaire accessible au grand public.


À prendre comme un simple contenu additionnel divertissant.




  • Vous avez des enfants, lieutenant ?

  • Moi ? Non.

  • Tant mieux pour eux.


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le 6 sept. 2022

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