Expérience de l'indicible portée par l'interprétation d'Irène Jacob

Ne connaissant rien de Kieślowski, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il fascine bien que n'ai pas tout compris de son film, et il ne faut peut-être pas trop essayer. Sorte de Lynch polonais, son film emprunte une voie non-narrative, sensorielle, et elliptique, où l'image importe souvent plus que les dialogues, épurés au maximum, et parfois coupés en plein élan.


La double vie de Véronique est filmé avec grâce, portant sur le parcours sinueux de cette dernière qui est une artiste passionnée, rêveuse et presque hors du temps. On la rejoint à travers deux histoires où les connexions s'alignent peu à peu, signes d'un destin magnifiquement et étrangement incarné par cette rencontre avec un marionnettiste. Ce dernier illustre artistiquement cette impression de déjà-vu nous précédant et nous poussant parfois à faire des choix inscrits en nous sans qu'on sache ni le pourquoi ni le comment.


Ce réalisateur atypique est aussi un esthète accompli qui utilise à merveille tous les artifices du cinéma, à savoir le cadrage, les filtres de lumière, et la musique classique, qui tout en flattant nos sens, créent une belle ambiance surnaturelle soulignant cette part d'irrationnel qui hante l'entièreté de la pellicule et fait avancer le personnage principal. Ce portrait de femme(s) est sacrément mis en valeur par des gros plans sur son joli minois et des séquences sensuelles et enivrantes qui donnent un peu de chair à ce film difficile d'accès, qui se ressent plus qu'il se comprend et se raconte.


Belle découverte donc que ce film et d'un cinéaste qui réussit à nous faire toucher du doigt l'indicible et donne un peu de substance aux choses pressenties sans qu'on puisse réellement les nommer et qui pourtant sous-tendent notre énergie vitale (l'art, le manque, le destin, l'amour, la mort). Une expérience vraiment singulière, troublante et envoûtante portée par l'interprétation d'Irène Jacob et la belle direction artistique de Kieślowski qui métamorphose le quotidien en sorte de rêverie lyrique, gorgée de petits riens/gestes qui alimentent son récit, symbolique à souhait (comme cette boule de verre grossissante et étoilée que Véronique place parfois devant son oeil pour voir les choses différemment comme un enfant redécouvrant étonné le monde autour de lui).


La Double Vie de Véronique nous offre ainsi une expérience singulière, bien que certains points puissent être plus difficiles à digérer, tels que l'interprétation des seconds rôles un trop théâtrale à mon goût, quelques longueurs de trop, et encore une fois, un sens qu'il n'est pas toujours évident à saisir.

Arnaud_Mercadie
8
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le 26 avr. 2017

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Dun

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