Tout commence sur un manteau : celui de la neige recouvrant la montagne. Et par deux baladins trouvant refuge dans une grotte avant d'atteindre le prochain village.


Tout commence avec cette rencontre, avec un vénérable plantigrade à qui l'on raconte une histoire comme pour sauver sa vie. Comme Shéhérazade et ses Contes des Mille et Une Nuits. Mâtinée de Comedia dell'arte.


On nous invite, par le biais d'une oralité généreuse et exubérante, à la rêverie, à faire galoper son imagination au rythme des mots, à la lumière des flammes. Des mots pour conter l'histoire d'une invasion. Du monde des hommes par un fier clan d'ours, à la recherche du fils du chef qui n'est pas Petit Ours Brun.


La fable est enchanteresse, ravissante et légère. Au trait naïf judicieux, qui n'entame en rien la beauté graphique du récit. La Fameuse Invasion des Ours en Sicile semble à première vue une histoire toute simple s'adressant au jeune public, qui sera ravi des péripéties qu'on leur a sans doute déjà racontées à l'heure du coucher. Quand le merveilleux rencontre la magie ou même le fantastique, le temps d'une danse avec quelques chers disparus, ou encore la comédie mêlée de magie, quand des sangliers s'envolent tels des baudruches.


Jusqu'au moment où le conte officiel se termine... Et se trouve complété par un hôte fourré, placide et vénérable. La Fameuse Invasion des Ours en Sicile change à cet instant totalement de point de vue. Et d'atmosphère. Le public enfantin pourrait à l'occasion s'y perdre. Même si deux doigts de jugeote lui permettront de ne pas décrocher. Car cette invasion légère, merveilleuse et enchanteresse se mue en fable sur la servitude du pouvoir, en satire de la cupidité humaine et de son envie.


L'invasion qui nous est contée change de ton et devient plus grave. Mettant en scène la naïveté et en en jouant comme avait pu le faire Pinocchio, convoquant de très légers accents de tragédie et un formidable final mythologique d'essence grecque ou germanique.


Le spectateur, d'un bout à l'autre du film, restera sous le charme de la fable, ne faisant même plus attention aux artifices bien connus du conteur, à la réalisation diabolique, aux jeux d'échelles les plus vertigineux, le temps d'une attaque de boules de neige, d'irruption d'une armée, d'un troll métamorphe de conte de fées.


Oubliant jusqu'au fait qu'à travers des ours, Lorenzo Mattotti parle avant tout de l'homme. Avec un résultat constamment enchanteur, constamment créatif, généreux et touchant. Certains parleront de poésie et de symbolisme. Le masqué, lui, se contentera d'essayer de figer la satisfaction assez béate qu'il a ressentie pendant une vingt deux minutes d'une projection qu'il a vécue comme en état de suspension. Comme il essayera de communiquer son bonheur simple et tout enfantin d'avoir goûté à une sacrée surprise en forme de réussite gracieuse et délicate.


Behind_the_Mask, qui s'étonne que, dans un film d'ours, on ne parle même pas de Booba...

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le 10 oct. 2019

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