Il n’est pas le personnage principal mais son nom reste dans tous les esprits à l’évocation de ce film. Tchaïkovski. Ceux qui s'attendaient à voir un biopic sur le musicien type Amadeus (dont l’histoire n’est pas racontée du point de vue de Mozart, mais de son rival Salieri) seront déçus. De l'œuvre de Tchaïkovski nous n’entendrons aucune note. Sa femme en revanche sera de tous les plans.


La présence du compositeur au centre du projet, jusque dans le titre, si ce n’est pour une raison commerciale, est plutôt anecdotique. Le film aurait pu s’appeler Antonina, prénom de ladite épouse, mais c’est La Femme de Tchaïkovski qui a été choisi, manière de renvoyer -d’emblée- la femme dans l’ombre de son illustre mari. C’est pourtant moins la notoriété du compositeur que son homosexualité, qui est la cause de la mise au ban de son épouse. De ce constant, le film déroule le récit de la longue descente aux enfers de la pauvre Antonina qui a fait l’erreur de tomber amoureuse d’un homme qui ne l’aimera jamais. Pendant plus de deux heures on assiste au naufrage de la jeune femme, jusqu’à la voir plonger littéralement dans la fange, au coeur d’une Russie aux aires de cour des miracles. Antonina est une victime de la société de son époque, certes, mais aussi de son manque de clairvoyance. La Femme de Tchaïkovski dépeint moins une femme forte qu’une femme folle, s’obstinant à être haïe et refusant de comprendre l’échec de son mariage.


Kirill Serebrennikov fait ainsi le constat -maigre- de la piètre condition de la femme dans la Russie du XIXe siècle. C’est oublié que Serebrennikov, malgré son statut de réfugié politique, est avant tout un cinéaste formel qui n’a pas grand-chose à dire. Avec ce film, on retrouve la virtuosité plastique tape-à-l’oeil que le réalisateur nous avait déjà infligée avec l’incompréhensible Fièvre de Petrov. En homme de théâtre, Serebrennikov nous sert des plans-séquences à la pelle au service d’une misanthropie sale. N’est pas Orson Welles qui veut, la mise en scène semble davantage exhiber son beau budget (reconstitution d’époque et beaux costumes) que de véritablement nous raconter quelque chose.

JimAriz
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le 11 juil. 2023

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