« La Femme la plus riche du monde » et l’affaire Bettencourt : le leurre et l’argent du leurre

Voici un extrait d'un article de Fabrice ARFI tiré de Médiapart comme critique :

"Le film à succès de Thierry Klifa avec Isabelle Huppert dans le rôle de Liliane Bettencourt pose la question de la trahison du réel par la fiction.

Son objectif paraît clair : vider de son sens l’abus de faiblesse pour lequel François-Marie Banier (Laurent Lafitte à l’écran) a été condamné par la justice. [...]

Le personnage joué par Laurent Lafitte (le photographe François-Marie Banier dans la vraie vie) dit à son amie interprétée par Isabelle Huppert (la milliardaire Liliane Bettencourt, héritière de l’empire L’Oréal) : « C’est la vérité qui vous gêne. Regardez-la en face et elle vous laissera tranquille. »

Il est fort regrettable que le film de Thierry Klifa, qui offre une revisitation de l’affaire Bettencourt, n’ait pas suivi le conseil avisé de son personnage principal. Car La Femme la plus riche du monde, sur les écrans depuis le 29 octobre, pose une question morale et même politique au cinéma : peut-on faire n’importe quoi avec les faits quand la fiction s’empare du réel ?

En dépit d’une prestation magistrale de l’acteur Laurent Lafitte, du jeu granitique de Raphaël Personnaz, malgré la performance virtuose d’Isabelle Huppert et des dialogues superbement ciselés, le film suscite un immense malaise. Non pas parce qu’il occulte le volet politique de l’affaire Bettencourt – c’est un choix souverain du scénario –, mais précisément parce qu’il triche sur le cœur même de l’histoire qu’il veut raconter.

[...]

Le confusionnisme est total et paraît à des années-lumière morales d’un Martin Scorsese quand il réalise Le Loup de Wall Street (inspiré d’une histoire vraie), d’un Sidney Lumet avec Serpico (inspiré d’une histoire vraie) ou d’un Alan J. Pakula avec Les Hommes du président (inspiré d’une histoire vraie), qui, tous, avaient en commun d’être obsédés par une chose : être au plus près du vrai.

C’est manifestement un luxe dont même la femme la plus riche du monde peut être privée."

Excellentes interrogations soulevées par cette critique.