Il est rare de se sentir sale au sortir d’une salle de cinéma. A moins d’avoir ingurgiter du popcorn, évidemment. Ou à moins que le film soit un gros brulot de droite puant. Mais se sentir sale à cause des images d’un film, de son rythme, de son chaos, de son montage, de son magma sonore, c’est déjà plus rare. La dernière fois que j’ai éprouvé cela c’était en sortant d’Il est difficile d’être un dieu, d’Alexeï Guerman. Autre film russe, autre expérience insupportable qui n’était toutefois pas aussi boursouflée que le film de Serebrennikov : Il était total (on aime le voyage ou pas, moi pas) mais il n’y avait pas cette emphase (empruntée à Kusturica, Jeunet, Gilliam, grosso modo) qui traverse tout La fièvre de Petrov et qui vise moins au voyage qu’à un tour d’épate frénétique. Ce qui domine ici c’est cette impression de se faire gueuler dessus, cracher au visage et piétiner les yeux et les oreilles 2h30 durant – Ressenti 8h. C’est un film qui pue la pisse, la merde, le vomi, le sang, l’alcool et le cambouis. Alors c’est une expérience, certes, à la fois physique et mentale, dans le cerveau malade d’un type grippé. Et le film ne lésine sur rien non plus d’un point de vue formel : Plans séquences impossibles, changements de format, de point de vue, narration éclatée, irruption d’animation, un chapitre en noir et blanc, petites phrases choc dans le décor du type « La journée est merdique et toi aussi » ou « Comment vivre ensuite ? ». Dernière réplique du film prononcée par un personnage secondaire récurrent qui brise le quatrième mur et face caméra d’un ton rigolard balance « Faut payer le voyage, hahaha ». Tout y passe, jusqu’à l’écœurement. Même ses rares accalmies sont aussitôt compensées par un cri, comme pour ne pas te faire oublier que tu traverses l’enfer. Rarement vu un truc aussi satisfait de sa virtuosité malade. Rarement vu un film aussi nihiliste et misanthrope. Rien d’étonnant en soi, tant Serebrennikov règle ses comptes avec la Russie, territoire dont il est interdit de sortie, pour une douteuse affaire de détournements de fonds. Il est en colère et le cri. Mais on n’y est pour rien, nous. Franchement ça donne envie d’en finir avec l’humanité. Bref c’était horrible.

JanosValuska
1
Écrit par

Créée

le 13 févr. 2022

Critique lue 360 fois

4 j'aime

1 commentaire

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 360 fois

4
1

D'autres avis sur La Fièvre de Petrov

La Fièvre de Petrov
takeshi29
8

Kirill Serebrennikov m'a encore mis la fièvre, pendant des heures...

Kirill Serebrennikov devrait demander à ne plus faire partie de la compétition cannoise. Déjà en 2018 le jury avait totalement snobé son immense "Leto", ratant ainsi une occasion de couronner un film...

le 8 nov. 2021

36 j'aime

12

La Fièvre de Petrov
Theloma
8

Russian night fever

Kirill Serebrennikov a adapté le roman d’Alexeï Salnikov, Les Petrov, la Grippe, etc., une œuvre littéraire très proche de son propre univers, où réalité et fantasmes se côtoient. Le film qu’il en...

le 6 déc. 2021

21 j'aime

8

La Fièvre de Petrov
mymp
2

Fièvre affreuse

Hey, t’as vu comment tu t’es encore bien fait avoir ? T’as vu comment tu t’es fait berner en beauté, comment t’as l’air débile à croire monts et merveilles pour quelques belles paroles et autres...

Par

le 6 déc. 2021

12 j'aime

2

Du même critique

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

32 j'aime

5

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

28 j'aime

8