Après avoir découvert Antonio Pietrangeli avec "Je la connaissais bien" de quelques années postérieur à cette "parmigiana" mais à la thématique identique, j'ai encore plus apprécié de voir ce film malgré les conditions difficiles. Un vieillard à ma droite est sorti deux fois de la salle pour revenir à chaque fois, m'emmerdant 4 fois au cours de la séance donc et tout cela avec une version originale non sous-titrée doublée en direct. En effet, il n'existerait plus que cette seule copie non sous-titrée, par conséquent on a eu droit à un traducteur et un casque audio antique pour suivre tant bien que mal un joli film.

Dans ma critique de "Je la connaissais bien", je louais la manière amoureuse de filmer Stefania Sandrelli par Pietrangeli. C'est exactement la même impression qui se dégage de ce film. Pietrangeli suit avec soin mais aussi une grande délicatesse l'actrice Catherine Spaak. Il met en valeur sa beauté, son grain de peau, la finesse de ses traits, tous les petits détails comme une mèche de cheveux qui descend doucement le long du cou sur une épaule, un regard qui fuit sous le coup d'une émotion, etc.

Il capte ces petits moments touchants propres à la comédienne qui joue un personnage malmené par la société italienne des années 1960, le désir des mâles, pressée par le vouloir collectif, même des autres femmes rangées, de la voir se soumettre aux règles tacites de bienséance.

On est bien dans la même problématique que "Je la connaissais bien" : l'aliénation de la femme par une société traditionnelle. Mais si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas seulement de féminisme. En effet, le personnage interprété par Nino Manfredi n'est pas mieux loti que celui de Catherine Spaak. Il joue un petit escroc vivant d'arnaques ou de petits boulots.

SPOILER:
Dans un monde plus clément, plus ouvert, ces deux-là auraient très bien pu finir ensemble et former un couple à l'époque anti-conformiste. Mais le propos n'est pas aussi optimiste ou romantique qu'on pourrait le croire pendant une bonne partie du film et ils se loupent parce qu'ils ont faim. Ce sont tous deux des survivants. Paradoxalement car l'Italie d'alors est en plein boom économique comme la plupart des pays européens, mais toutes ces transformations laissent encore bon nombre d'individus sur le bas côté de la route. Pas uniquement les femmes.
FIN SPOILER

Allez savoir pourquoi mais jusqu'à maintenant je n'avais pas été "accroché" par Nino Manfredi, que j'ai vu pourtant dans quelques films déjà, et sur celui-ci, ce fut en quelque sorte une révélation. Sur "Je la connaissais bien", précédent film de Pietrangeli que j'ai vu la veille, il n'est qu'une apparition, un personnage intermittent qui permet surtout de souligner la tragédie de celui de Ugo Tognazzi. Difficile de briller. Sur ce film-là, il m'a époustouflé sur une ou deux scènes. Il y a là dans son visage rond une espèce de bonhomie fragile, un regard d'enfant triste qui peut se briser en une fraction de seconde pour vous prendre aux tripes. Il joue une victime pathétique, un poisson hors du bocal, résigné. Très émouvant. Peut-être même plus bouleversant que celui de Catherine Spaak dont on devine qu'elle sera plus armée pour s'en sortir.

Ce film étonnamment violent, décrivant très justement comment certains sont contraints à se prostituer littéralement ou de façon "conjugale", pour leur survie, est à marquer d'une pierre blanche. Plus le temps passe, plus il gagne en densité dans mes souvenirs et mon estime.
Alligator
7
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le 3 nov. 2014

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