Troisième Kurosawa après Rashōmon et Chien enragé, je dois bien reconnaitre que celui-ci m'a moins emballé.


Kurosawa décide de nous peindre une aventure épique à travers le parcours de deux moins-que-rien. L'idée est originale, et l'histoire se développe plutôt bien, mais les deux personnages en eux-mêmes sont assez peu sympathiques. Évidemment, les traits de caractères exagérés sont volontaires (et présents chez les autres personnages), mais le fait qu'ils soient extrêmement cupides, et surtout très bêtes, m'a un peu refroidi. Je trouve ça dommage quand un scénario est obligé, pour faire avancer l'histoire, de s'appuyer sur l'idiotie de ses personnages, a fortiori quand celle-ci est surhumaine (ou plutôt subhumaine).


Hormis ce détail, l'histoire est assez bien foutue, assez divertissante, et, ne le nions pas, les clowneries de Tahei et Matashichi m'ont quand même fait sourire à plusieurs reprises. Le film alterne bien les moments calmes et les péripéties plus musclées. Comment ne pas citer l'inoubliable combat de lances entre Rokurota et Hyoe. Pendant la scène où Rokurota choisit une lance, je me demandais comment ils allaient pouvoir se battre avec des objets aussi encombrants... pour finalement voir le résultat magnifique, chorégraphié à la perfection !


Le film souffre de quelques problèmes de rythme, en particulier dans le deuxième quart, et aurait largement pu supporter un quart d'heure de coupes des pitreries de Matashichi et Tahei (ce qui nous aurait peut-être permis de mieux les supporter nous aussi). Les personnages principaux sont bien définis mais pas forcément très bien travaillés, mais encore une fois je pense que c'est parfaitement volontaire de la part de Kurosawa, qui ne nous présente pas un drame psychologique mais bien une formidable aventure médiévale.


Et de ce côté-là, il faut dire que c'est plutôt très réussi. Même si on n'a pas de grandes scènes de bataille (le sujet ne s'y prêtait pas forcément), la reconstitution est pointilleuse et crédible. Les costumes, la musique (très efficace), l'ambiance : tout contribue à nous plonger dans cette période troublée de l'histoire du Japon. Les personnages très caricaturaux voire simplistes brassent toutes les émotions traditionnellement présentes dans ce genre d'histoire. Les thèmes (bien) traités de la loyauté, de l'honneur, du courage, sont assez bateaux certes, mais n'en sont que plus universels.


Dans l'ensemble, les personnages sont bien interprétés. Mifune est excellent dans le rôle du vieux général trop badass qu'il vaut mieux pas faire chier. Les deux acteurs qui interprètent les deux paysans font bien leur boulot, et je n'ai reconnu le bonze de Rashômon en Tahei qu'en regardant la liste du casting. Misa Uehara, qui joue le rôle de la princesse, a une diction très irritante (en particulier dans la scène où elle rencontre Hyoe vers la fin) ; heureusement elle est muette la majeure partie du film, et donc tout à fait acceptable. À propos de Hyoe : même si on ne le voit que très peu, j'ai trouvé son personnage très attachant et interprété justement.


Un dernier mot pour les décors, en particulier les décors naturels, qui sont juste magnifiques. Que ce soit les forêts, les déserts, les montagnes, les plaines, etc., leur diversité ne rivalise qu'avec leur majesté, et ils sont parfaitement mis en valeur par des éclairages et des cadrages judicieux.


Je finirai en disant quand même un mot sur Star Wars (forcément !) : George Lucas a eu l'intelligence de ne pas faire de ses deux guignols les personnages principaux de l'histoire, ce qui leur évite de trop nous taper sur le système. Il a aussi eu la bonne idée d'en faire deux personnages aux caractères très distincts, contrairement aux paysans de Kurosawa qui sont complètement interchangeables à chaque apparition.

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le 14 mai 2013

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YellowStone

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