La Grande Aventure LEGO
7.1
La Grande Aventure LEGO

Long-métrage d'animation de Phil Lord et Christopher Miller (2014)

Après de nombreuses séries pour la télévision, le long-métrage Lego n’allait pas manquer d’arriver. C’est chose faite, avec, à la construction, Phil Lord et Christopher Miller, qui avaient brillamment commencé leurs recherches animées avec Cloudy With a Chance Of Meatballs. Dans The Lego Movie, les deux compères affirment leur maîtrise du rythme,



un large appétit pour l’humour et le clin d’œil décalé,



autant que leur appétence pour l’animation.


Mettant en scène une foule de personnages issus des multiples univers de la marque autour d’Emmet, ouvrier de chantier, The Lego Movie est un concentré de rire et de bonne humeur aux allures niaises mais qui sait développer, malgré un scénario convenu, au-delà d’une trame irrésistiblement entraînante,



un message positif et humaniste de respect de soi et de confiance



finement amené jusqu’au twist final, décalage dans le réel narrativement impressionnant de fluidité, une intelligence de cinéma rare. Il faut en convenir ici, c’est bien la mise en scène qui rehausse un scénario qui, seul, ne casse pas des briques.


Voyage au cœur de différents mondes, la quête d’Emmet s’amuse du sentiment monotone d’inclusion morne dans un quotidien sans espoir de renouveau, de cette condamnation consciencieusement admise de la soumission volontaire à un système inébranlable, et mène un héros trop banal pour se croire différent à la rencontre de personnages hors du commun, résistants à l’immuabilité doués d’une imagination littéralement démente et sans limite : les maîtres constructeurs. Du sorcier Vitruvius à Batman en passant par un formidable Barbe d’Acier, agrégat pirate de pièces abandonnées, accompagné de Rebel, muse détonante au caractère solide, Emmet promène sa bonhommie naïve jusqu’à



sublimer le vide où sa normalité l’a installé,



et l’emplir enfin d’un regard sur le monde doucement affirmé, personnel, réfléchi plus qu’ingurgité, et d’une conscience de soi doublée de confiance sereine.
L’ouvrier devient l’élu, le jouet devient joueur.


Dans un produit initialement destiné à l’enfance, et qui y décortique les liens de l’innocence, de l’imaginaire, de la joie, dans



la construction de soi par la construction d’histoires, d’univers,



les auteurs s’adressent aux adultes également, en jouant d’un conflit de générations où la nostalgie figée par les exigences du quotidien et l’envie romantique de matérialiser ses souvenirs se heurtent à la spontanéité impérieuse de l’enfance occupée sans répit à jouer les systèmes des univers qu’il affronte. Se heurtent à la convention non régressive de l’âge adulte.
Jusqu’à l’exploser.


Le métrage est visuellement très réussi. Une fluidité particulière donne le semblant de vie nécessaire aux personnages d’une marque qui a bercé l’enfance des adultes d’aujourd’hui, et continue encore de développer l’imaginaire de nos enfants, continuera longtemps encore.



Tout, à l’écran, est de briques,



et l’inclusion discrète des reliques annonce régulièrement le dénouement, la direction finale, sans jamais pourtant en dire un mot. Narrativement, le choix des univers qui s’entrechoquent est finement géré, doucement préparé par touches discrètes tout au long du récit. Le spectateur est embarqué dans la chambre de son enfance, gâté pour Noël de milliers de boîtes de briques magiques, et la grosse heure et demie du film l’immerge avec un plaisir rare, puissamment régressif, dans le jeu pur et simple de l’imagination.
Un régal d’inventivité pour les plus jeunes,



un délice de nostalgie régressive



pour les autres.


Phil Lord et Christopher Miller signent là leur second film d’animation avec la même réussite que lors de leur premier essai : l’humour enveloppe l’ensemble en un rythme effréné pour dire combien l’amusement tient une place importante dans leur univers parce que c’est la base de développement de l’imaginaire des plus jeunes ; l’intelligence de la narration n’oublie jamais, à aucun moment, d’illustrer le message au cœur du métrage ; et c’est encore une fois d’humanisme, de filiation et de partage autant que d’accomplissement de soi que les auteurs nourrissent l’aventure.



Scénario simpliste et mise en scène explosive,



sans réinventer le dessin animé, The Lego Movie assume la dualité de narration contemporaine qui s’y trouve essentielle : les deux angles du discours permettent ainsi de s’adresser autant au public habituel d’un produit régressif – les enfants – autant qu’à un public plus exigeant, heureux de dépasser la fable pour mettre en perspective sa propre existence, ses rapports au réel, au quotidien et au monde. Les auteurs rappellent sans détour aux adultes qu’avant d’oublier les joies simples et innocentes d’un passé assimilé jusqu’à l’embaumement, ils ont eux-mêmes été ces enfants portés par



l’irrépressible énergie de l’urgence,



incapables de garder le jouet dans sa boîte.

Matthieu_Marsan-Bach
7

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Créée

le 23 janv. 2017

Critique lue 173 fois

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