On ne souffre plus vraiment dans La Jalousie, l'enfer a été laissé à Rome dans le film précédent de Garrel (Un été brûlant). Toutes les crises sont maintenant jouées en sourdine, ce qui est signifié par cette scène où la petite fille demande à ses parents, qui se déchirent sous ses yeux, de parler moins fort. Ce qui est signifié encore par cette scène où Claudia (Anna Mouglalis) demande à Louis (Garrel) de parler moins fort alors qu'il récite des vers de Racine en se rasant. Il faudrait maintenant que l'autre n'existe plus, qu'il ferme sa gueule pour toujours. Toute La Jalousie tend vers le silence de ce dernier plan où l'on voit Louis s'endormir seul, après son suicide raté. En voyant cette fin, j'ai repensé à la lettre que Catherine Deneuve adressait à son jeune amant, il y a quinze ans, dans Le Vent de la nuit: "Quand on s'est rencontré, et que tu t'es déclaré, je me suis dit: ce type-là est fou. J'y croyais pas. Qu'est-ce qu'il cherche? Et puis, je me suis rendu compte que j'en avais envie. Et je me suis dit: même si c'est pour ton pognon, ma pauvre fille, qu'est-ce que t'en as à foutre? Tu l'emporteras pas avec toi. Alors je me suis dit: Ok pour tout flamber. Je parle pas d'argent. Je parle de moi." La fin de cette lettre aurait pu servir de programme à La Jalousie, film où Garrel achève de tout faire flamber, dans le beau noir et blanc de Willy Kurant.