OH LALA ! Mais pourquoi voit-on des gens (de sexe féminin pour la plupart, disons-le) pleurer à la fin de Lala Land ? Ce mystère lacrymal peut être résolu à l'aide d'une théorie, celle " d’industrie culturelle " du philosophe allemand Theodor Adorno (moins complexe que celles de ses collègues, alors lâche ce tube de doliprane et poursuis ta lecture). L'idée est simple : l'art est dominé par une logique économique. Parti à la conquête de Hollywood après le succès de son premier (bon) film sur la musique, Whiplash (2014), Damien Chazelle ne va pas dire le contraire, et il faut croire qu'il a bien réussi son coup : 7 Golden Globes et un succès annoncé aux Oscars.
Mais comment diable a-t-il fait ? Adorno dirait qu'il n'a fait que reprendre les bonnes vieilles recettes de l'industrie culturelle, spécialement étudiées pour la consommation de masse. Au menu : un genre, la comédie musicale, en guise de BigMac, de beaux acteurs, Ryan Gosling et Emma Stone, dans le rôle des frites, de belles images pétillantes faisant office de Coca-Cola. Dans ce menu, point d'innovation : c'est ce que l'employé de McDo te propose automatiquement. L'industrie culturelle se présente tout de même en constant progrès, et tu auras toujours un pote assez chiant pour dire que ce film est une révolution du genre tout en faisant référence à plusieurs classiques. Qu'il fait du neuf avec du vieux en gros : so modern vintage quoi. On a connu mieux comme prise de risques, faire dans la nostalgie.
Servi avec sa sauce musicale entêtante et délicieusement sucrée, Lala Land est un bel ensemble stéréotypé. Déjà ce titre : peut-on faire plus consensuel ? Ainsi, avec une certaine facilité, on peut tomber sous le charme, d'autant que le film se présente comme un grand show, le divertissement étant essentiel au sein de l'industrie culturelle. Effectivement, on peut dire qu'on passe plutôt un " bon moment de cinéma ", et la technique parait irréprochable. Mais comment croire en cette histoire d'amour, comment s'identifier aux personnages, comment se sentir nostalgique avec un film si standardisé ? Si on aperçoit parfois un semblant de volonté artistique (la scène d'ouverture, pourquoi pas) et d'humour (la réception près de la piscine), les personnages manquent singulièrement de profondeur, le personnage de Sebastian étant décrit comme anachronique sans que cela soit expliqué par exemple.
Bref, Lala Land, c'est un peu comme si Woody faisait du Allen. Du coup, on n'y croit pas. L'unanimisme et le succès critique du film poussent évidemment à l'esprit de contradiction, mais sans trop de mauvaise foi, je peux vous dire, Damien, Ryan, Emma, que vous me ferez pleurer peut-être une prochaine fois. Allez, sans rancune !