« Ce Zatoichi commence à m’irriter, comme du gravier dans un bol de riz »

Une ouverture encore jamais vue dans la saga : Zatoichi poursuivi par une sorte de Rantanplan débordant d’affection tandis qu’il fait tout pour le chasser ! Cette ouverture inédite est tout à fait adaptée puisqu’elle ouvre un épisode dans lequel se trouvent plusieurs scènes jamais vues encore : Zatoichi vaincu par son adversaire lors d’un duel… ; la présence d’un jeune homosexuel faisant des avances à Zatoichi ; notre anti-héros isolé au milieu d’un plan d’eau couvert de pétrole enflammé et disparaissant dans les flammes ! Zatoichi assailli dans les termes par de nombreux yakuzas tatoués sur le haut du corps. Contexte oblige : tout le monde est nu et Zatoichi privé de son sabre se bat à coup de tonneaux d’une main, tandis qu’il cache son sexe de l’autre !

Petite parenthèse culturelle au sujet d’une autre scène inédite : Zatoichi lisant une lettre écrite en « braille ». C’est en 1825 que Louis Braille a développé son système d’écriture tactile. Et cet épisode de la légende de Zatoichi se déroule au temps de l’ère tenpo qui couvre les années 1830 à 1844. Autant dire que la découverte n’a pas mis longtemps à arriver au japon. C’est Kuraji Ishikawa qui a mis au point l’alphabet braille japonais.

Revenons à l’intrigue, dans cet épisode, Zatoichi fait face à deux adversaires :
- d’abord un sabreur mystérieux au regard hagard que l’on finit par identifier au 3/4 du film. Il en veut à mort à Zatoichi pour un acte qu’il n’a pas commis… Personnage campé par Nakadai, acteur qui a joué dans plusieurs films de sabre.
- Ensuite un parrain très puissant, le parrain des parrains de la région, appelé « shogun de l’ombre ». Désapprouvant la droiture de Zatoichi qui n’hésite pas à condamner fermement la violence des parrains locaux, il décide de s’en débarrasser : « Ce Zatoichi commence à m’irriter, comme du gravier dans un bol de riz ». Ce shogun a la particularité de posséder le même handicap que Zatoichi et donc de pouvoir le comprendre. Il sait que les armes ne peuvent venir à bout de son habileté au sabre : « Les aveugles comme moi sont des êtres qui ont soif d’amour. Pour tuer un aveugle, l’amour est plus efficace que le sabre ». Et bien sûr, Zatoichi se laissera prendre au piège, il est effectivement très sensible au charme féminin…

Si l’épisode comporte des scènes inhabituelles, il comporte également de très beaux plans comme cette forêt vaporeuse où Zatoichi se fait attaquer, le magnifique duel sur le pont, les nombreux plans en contre-jour, les cadrages dans les paysages verdoyants. La réalisation est particulièrement soignée. La caméra se fait subjective pour nous montrer non ce que Zatoichi voit, mais ce qu’il entend comme un bout de ficelle sur des marches d’escalier ou des pas feutrés sur le sol.

Le shogun de l’ombre est l’un des épisodes les plus réussis de la saga avec de nombreux personnages, rebondissements, des scènes de combat originales et une esthétique soignée. Il est le 6e réalisé par Kenji Misumi et le plus abouti. Il est d’ailleurs l’épisode le mieux noté sur SC.