Avec le temps on a tendance à idéaliser les souvenirs passés. Zatoichi dont la tête est mise à prix, est fatigué de devoir toujours répandre le sang de ses ennemis qui veulent se mesurer à lui. Il se remémore ses jours heureux dans un lieu paisible où il fut autrefois bercé par le gazouillis d’un cours d’eau, enivré par l’odeur des pruniers, et envoûté par le charme de la douce Uméno. Après avoir arpenté tout le Japon en long et en large, décision est prise de partir en pèlerinage à la recherche de ce paradis perdu. À l’approche de sa destination, les ruissellements se font bien entendre, les arbres bourgeonnent, le zéphyr lui caresse la peau, tandis qu’un cadavre gît dans le ruisseau et que près de 130 jizo sont dressés à l’entrée par le doyen du village en repentance suite au massacre des 130 fermiers perpétrés par le clan Kobotoké suite à une terrible famine. Depuis les yakuzas ont pris pied à terre et se sont emparés de la ville, vous l’aurez donc compris, les apparences sont parfois trompeuses, et le masseur aveugle n’est pas encore au bout de ses peines et de ses désillusions, car ce n’est pas des outils pour la moisson que fabrique le forgeron mais bien des armes de mort et de destruction.


Les temps ont bien changés, Umeno n’est plus la jeune femme candide et innocente qu’il avait rencontré 3 ans plus tôt, désormais contrainte de tapiner pour Masagoro, le chef du clan Kobotoké qui soupçonne son père Eboshya ; un riche marchand malhonnête ;de cacher l’or dérobé du Shogun. La quête de ce trésor mèneront le père et le fils à s’opposer, c’est d’ailleurs pourquoi Eboshya va recruter Zatoichi pour faire face au garde du corps de Masagoro, le célèbre Sanjuro. Le principal enjeu de cette nouvelle aventure est posé dans le titre et porte sur cette dualité entre le Yojimbo campé par Toshiro Mifune, et Zatoichi toujours interprété par Shintaro Katsu. Le combat entre ces deux monstres sacrés du cinéma Japonais nous promettait forcément d’être anthologique mais c’était sans compter sur la malice de ses deux acteurs principaux qui vont en réalité déjouer les attentes du public en avortant systématiquement le combat, soit à cause des conditions climatiques soit en raison de l’état de beuverie dans lequel va se mettre Sanjuro en s’enquillant les verres de saké les uns derrières les autres.


Les joutes seront principalement verbales à grand renfort de noms d’oiseaux et d’invectives, cependant une forme de respect entre guerrier va naître de cette relation voir même une certaine fraternité, d’abord parce que Sanjuro n’est pas réellement au service de Masagoro, mais un espion shogunale qui profite surtout de sa position pour se faire entretenir et payer les dettes de Umeno dont il est amoureux. Comme chez Kurosawa, Sanjuro est un ivrogne cynique et arrogant, mais également un très bon manipulateur dissimulant ses véritables intentions ainsi que son identité. Ce dernier s’épargne du moindre effort et n’emploiera son épée qu’à bon escient. Zatoichi reste quant à lui fidèle à lui-même, un éternel philanthrope, sentimental et bienveillant, bien qu’il n’en reste pas moins un filou intéressé par l’argent. Comme son homologue, il entretiendra l’animosité en poussant les deux camps à s’entre-déchirer dans le but de libérer la ville de l’emprise des brigands.


La démarche opportuniste de ce cross over entre ces deux univers du chambara aurait pu accoucher d’une souris et pourtant Zatoichi contre Yojimbo sera le plus grand succès de la saga. Cet épisode amorce en même temps la période « Dirty Zatoichi », une phase plus sombre reléguant l’altruisme au second plan sans pour autant abandonner son second degrés bien que les combats au Katana occasionne désormais des effusions de sang. Les gens bien meurent, seul les crapules demeurent, il est étonnant de constater à quel point l’environnement et ses habitants semble ici contaminer par la fièvre de l’or. Les deux stars coproductrices en profite d'ailleurs pour assumer les raisons pécuniaires de leur entreprise commune.

Personne n’en ressortira grandit, puisque le climax ne va livrer que le chaos, la mort et la désolation de tout le village. Finalement, le dénouement n’offrira que des perdants se vautrant comme des porcs dans la poussière d’or.

Le-Roy-du-Bis
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le 18 mai 2023

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