Une séquence érotique, située peu avant le départ de Carl-Stephan – soit après une heure dix minutes de film – a l’audace de mettre en scène une relation sensuelle entre deux corps distants, seuls désirants l’autre, que le montage rassemble en donnant l’impression qu’il n’y a qu’un lit, que l’union voluptueux gagne enfin cette concrétude qui n’était jusqu’alors que contacts, regards, sous-entendus. Cette séquence justifie le visionnage de La Maison des Bories, œuvre oubliée d’un réalisateur et critique essentiel en ce qu’il est le cofondateur des Cahiers du cinéma : Jacques Doniol-Valcroze. Son film semble illustrer pendant une petite heure et demie la première partie du fameux roman de Stendhal, Le Rouge et le Noir, tant du point de vue de son personnel narratif de son cadre ensoleillé qui apporte au récit une chaleur propice aux passions.


Pourtant, fallait-il suggérer avec une telle lourdeur ? Tout est souligné en gras et en rouge, à l’instar des fautes de français que font les enfants dans leurs cahiers de dictées : les gros plans sur des regards censés être pleins de désirs insistent sur une alchimie que les longues promenades doublées de discussions douces sur l’existence suffisaient à exprimer. Comme si le réalisateur n’avait pas confiance dans les scènes qu’il composait, au point de devoir les redoubler d’images signifiantes qui, en explicitant tout, entaillent douloureusement le charme d’une relation interdite. Les deux acteurs principaux paraissent, eux, trop dirigés et auraient gagné à se perdre dans ces paysages magnifiques qui, s’ils sont des paysages-état d’âme à la Stendhal, reflètent des états d’âme bien ternes.


« Les pierres ont leur vie secrète », indique le mari au jeune homme venu de Lübeck. Les humains aussi. Nous aurions aimé des signes de cette vie secrète, non des significations unilatérales et lourdingues.

Créée

le 8 nov. 2020

Critique lue 401 fois

Critique lue 401 fois

D'autres avis sur La Maison des Bories

La Maison des Bories
Chicago
8

Le désir et Mozart à la baguette !

Film d'une rare intensité sur le désir et filmé intelligement avec en prime une scène qui restera dans la mémoire. Marie Dubois et Mathieu Carriere sont au top. La provence sous la musique de Mozart...

le 19 mars 2022

1 j'aime

La Maison des Bories
shanghai
6

Critique de La Maison des Bories par shanghai

Un film qui sent un peu la naphtaline...Dans cette maison des Alpes de Haute Provence, tout le monde convoite un peu tout le monde, de manière croisée. Sauf les enfants bien entendu.Le maître des...

le 18 juin 2022

La Maison des Bories
Fêtons_le_cinéma
4

« Les pierres ont leur vie secrète »

Une séquence érotique, située peu avant le départ de Carl-Stephan – soit après une heure dix minutes de film – a l’audace de mettre en scène une relation sensuelle entre deux corps distants, seuls...

le 8 nov. 2020

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14