Rarement un film d'épouvante contemporain n'avait connu un tel alignement de planètes pour être synonyme de réussite :



  • l'incroyable histoire véridique de la veuve Sarah Winchester, héritière de l'entreprise d'armes éponyme, qui, convaincue que des esprits victimes des armes de la famille allaient la tuer, a utilisé sa fortune pour l'agrandissement perpétuel de sa maison à l'architecture improbable pendant trente-huit ans afin de les apaiser

  • un casting alléchant avec évidemment Helen Mirren dans le rôle-titre, aussi rare qu'inattendue dans le registre de l'épouvante et accompagnée de Jason Clarke et de Sarah Snook

  • les frères Spierig à la réalisation (et comme co-auteurs du scénario) qui avaient des choses à se faire pardonner après leur médiocre "Jigsaw" et qui disposaient, ici, avec une telle histoire, d'un terrain de jeu susceptible de bousculer les conventions habituelles de l'épouvante.


Et, pourtant, arrivés au terme de "La Malédiction Winchester", une seule question nous brûle les lèvres : comment les deux metteurs en scène australiens ont-ils pu à ce point louper l'inloupable ?


La réponse ne se trouve pas dans la première partie du film, elle est sa plus grande réussite par la construction des fondations de son récit. Que cela soit la découverte de la fameuse demeure et de son intérieur extravagant (un agglomérat gigantesque et absurde de pièces où des escaliers mènent aux plafonds, où des portes débouchent sur le vide, etc) magnifiés par une direction artistique convaincante ou le mystère entourant la veuve renforcé par la seule présence imposante de son interprète, "La Malédiction Winchester" joue habilement en permanence sur la fascination que représente l'aspect aussi hors-norme que bien réel de cette histoire et nous fait rêver en titillant l'idée que la maison labyrinthique soit révélatrice d'un dédale mental et scénaristique à sa hauteur. Bien sûr, quelques jumpscares faciles ou un héros prétexte à toutes les caricatures (médecin toxicomane, victime d'un traumatisme et chargé de déterminer si la veuve a encore toutes ses facultés mentales) viennent ternir le tableau mais l'histoire se montre vraiment accrocheuse jusque dans le respect de la reconstitution de ses moindres détails que l'on préfère ignorer ses défauts pourtant déjà annonciateurs de la douche glacée qui va suivre...


C'est bien simple, à partir du moment où un spectre plus fort que les autres intervient, on ne peut plus l'éluder : "La Malédiction Winchester" envoie balader toute sa mise en place réussie pour prendre la forme du plus banal film d'esprit revanchard qu'il soit. Les jumpscares gratuits deviennent légion, les facilités scénaristiques s'empilent jusqu'à ne plus avoir aucun sens (un fantôme qui se déguise pour tromper son monde, vraiment ?) ou confinent au ridicule (l'implication absurde du traumatisme du médecin dans cette affaire, sérieusement...), Helen Mirren semble devenir complètement gaga à force de psalmodier toute seule des déductions pleines de phrases incantatoires et le film devient tout simplement interminable. On souffre alors en silence, commençant à avoir des rires nerveux devant cette espèce de passage en revue de tous les rebondissements gênants qu'il ne faut pas faire pour surprendre et, pendant que le fantôme mime un célèbre X-Men en faisant voler des carabines dans tous les sens à l'écran, on se met à imaginer ce que le film aurait pu/dû être, bien loin du grotesque dans lequel il est tombé et que l'on préfère désormais ignorer.


Il y a avait autant de chances que de pièces dans la maison Winchester pour faire de ce film d'épouvante une petite perle du genre vu les ingrédients qui le composaient. Enfin, on le croyait...
Si quelqu'un peut nous passer treize clous et une planche pour condamner la porte de la maison où les frères Spierig se sont réfugiés après un coup pareil, on est plus que preneur...

RedArrow
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le 11 mai 2018

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RedArrow

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