Une idée qui aurait dû rester dans le sarcophage de la production

Réaliser un nouveau film La Momie ? Pourquoi pas. En faire un reboot ? De toute façon, les studios hollywoodiens nous ont habitué à l’exploitation de masse depuis déjà bon nombre d’années. Établir par le biais de ce film un univers cinématographique étendu comme la concurrence (Marvel, DC Comics, Star Wars, Transformers…), en prenant les plus grandes figures horrifiques d’Universal (Dracula, le Loup-Garou, le monstre de Frankenstein…) ? Là, cela part déjà en sucette ! Mais à la vue des bandes-annonces, il fallait avouer que La Momie version 2017 avait tout pour être un blockbuster sympathique pouvant entamer la période estivale avec entrain. Garantissant un certain succès par le biais de la présence de Tom Cruise, qui n’a récemment eu comme faux pas que Jack Reacher 2. Par la prise en main du réalisateur/producteur Alex Kurtzman, qui a été à la tête de gros films à succès (les reboots de Star Trek, la franchise Insaisissables). Et surtout par cette envie folle de livrer au public un divertissement efficace et spectaculaire. À défaut, bien entendu, d’être aussi amusant et mémorable que le long-métrage de Stephen Sommers, qui reste à l’heure actuelle un modèle du film d’aventure post-Indiana Jones.


Mais quand le film démarre, on sent d’emblée le côté bancal de l’entreprise. Et les raisons sont nombreuses ! À commencer par une production, selon les témoignages, plutôt cahoteuse. Un Tom Cruise qui n’a fait que diriger le projet selon sa propre volonté sans réellement savoir ce qu’il faisait. Ou encore le manque d’expérience d’Alex Kurtzman en tant que metteur en scène, le bonhomme ayant plus la vision d’un producteur et non d’un artiste. Il n’empêche que le résultat reste le même au final, se présentant sous la forme d’une grosse production partant dans toutes les directions possibles. Qui ne sait vraiment pas sur quel pied danser, switchant maladroitement entre le spectaculaire (le crash d’avion, assez impressionnant) et l’horreur (le réveil de la momie). Saupoudrant le tout avec un humour des plus balourds via un sidekick véritablement agaçant et un aspect un peu trop « Transformers ». Un produit de studio qui n’a pas pris le temps de peaufiner son écriture, livrant pour le coup un scénario qui abuse des ellipses, des clichés et des facilités. Et qui, surtout, ne fait qu’enchaîner les séquences d’action sans approfondir ni son histoire ni ses personnages. Sans oublier le fait que le montage n’arrange rien à l’affaire, ce dernier étant réalisé sans aucune conviction car cassant le rythme de l’ensemble par des visions et autres flashbacks inutiles ; donnant l’impression d’avoir une œuvre aussi incomplète qu’un Suicide Squad. Et aussi un sérieux manque dans la direction d’acteurs, ceux-ci jouant en roue libre sans aucune limite (Russell Crowe est mauvais… c’est un exploit d’en arriver là !).


Nous pouvons cependant compter sur quelques atouts non négligeables qui sauvent un chouïa les meubles. En effet, La Momie peut se vanter d’avoir des séquences d’action plutôt efficaces qui tiennent en haleine. Notamment par le biais d’effets spéciaux dans la moyenne de ce qui se fait aujourd’hui. D’un soin apporté à tout ce qui touche les maquillages et les décors, le long-métrage délaissant un peu le numérique contrairement à la majorité des blockbusters actuels. Et d’un aspect parfois démesuré pouvant se montrer jouissif. Voir Tom Cruise jouer les anti-héros y est également pour quelque chose, le comédien interprétant un personnage égoïste, poltron et lâche, loin de ses rôles habituels. Bien qu’il parte sauver la demoiselle en détresse lors du dernier tiers du film, c’est rafraîchissant de voir le bonhomme fuir le danger au lieu de vouloir à tout prix sauver le monde. Et enfin, n’oublions pas l’atout charme de cette Momie version 2017, à savoir Sofia Boutella. Bien qu’elle soit un peu trop éclipsée par la trop grande présence de son partenaire masculin, la comédienne découverte dans Kingsman : Services secrets a bien du charisme et sait s’imposer à l’écran. Rien qu’avec ces « normalités » en poche, le film d’Alex Kurtzman pouvait se contenter du strict minimum pour amuser et faire l’impasse sur ses nombreux défauts.


Malheureusement, quand vient le temps pour le projet de mettre en place son Dark Universe (soit au milieu du film), c’est la discorde totale ! Ne sachant comment faire pour relier l’univers de toutes ses créatures et/ou s’étant précipité pour pondre ce semblant de scénario, Universal se vautre lamentablement. Pourtant, il y avait quelque chose de sympathique de présenter le Dr. Jekyll/Mister Hyde en chef d’une unité spéciale préservant le monde des monstres démoniaques à l’instar de Dracula, du Loup-Garou et, donc, de la Momie. Mais sans préparation ni développement, rien ne tient la route. Entre des explications sorties d’un chapeau, des situations au combien grotesques (la transformation de Jekyll est une pépite de mauvais goût), une Momie qui passe au second plan face à cet univers, un scénario qui n’a plus aucun sens et un final qui s’éloigne du spectaculaire tant vendu par le reste du film, cela devient désespérant de voir un film qui tente de capter notre attention avec du vent. Bref, La Momie, partant sur des bases pas vraiment solides, s’enfonce dans le grand n’importe quoi et ne donne sérieusement pas cher pour la peau du Dark Universe.


Car avec des critiques dans l’ensemble très assassines et une performance peu emballante au box-office mondial (pour le moment plus de 384 millions de dollars, dont seulement 78 millions aux États-Unis, pour un budget de 125 millions), Universal peut vraiment se remettre en question. Et il n’est vraiment pas sûr que le studio poursuive sur cette voie malgré les projets déjà annoncés (les participations de Johnny Depp en Homme-Invisible et de Javier Bardem en Frankenstein, le film La Fiancée de Frankenstein…). Il serait préférable de tout reprendre à zéro… ou bien de tout abandonner ! Et pour cause, cela fait des années qu’Universal tente de ressusciter ses monstres, sans succès (Wolfman, Dracula Untold). Pourquoi insister ?

Créée

le 14 juil. 2017

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