La Confession d'un vétéran du siècle

Si j'étais acariâtre et bougon comme peut l'être Clint Eastwood dans nombre de ses films, j'affirmerais d'abord que La Mule n'est franchement pas terrible... On a déjà vu notre antihéros préféré nettement plus inspiré lorsqu'il s'agit de raconter une histoire. Celle-ci s'avère convenue, plate, mais pas dénuée d'intérêt nous y reviendrons.


Il convient de dire d'emblée qu'en terme de mise en scène, c'est... Fonctionnel. Pas grande chose à se mettre sous les mirettes, minimum syndical et par moments, le téléfilm bien codifié de l'après-midi sur TF1 s'approche au loin. Merde Clint, même si l'âge faisant tu traînes inexorablement de plus en plus les pieds devant la caméra, derrière, on est en droit d'attendre de toi davantage d'idées et d'audaces. Même dans Gran Torino, sorte de mi-préface mi-origin's story de ce film, ça envoyait. Bref.


L'intérêt de La Mule, le seul presque à mon sens, réside dans ce que le film évoque et non pas dans ce qu'il montre. Parce que ne nous leurrons pas, le héros, le seul qui vaille, est bel et bien Clint Eastwood. Son personnage n'est qu'une enveloppe, seulement incarnée par l'image et les réminiscences dans notre esprit du réalisateur. Cela donne des séquences forcément touchantes, car par extension on transpose dans le film sa propre vie, ses remords exprimés et ses regrets de vieillard arrivé au bout du chemin. Les ponts sont inévitables avec la réalité. D'où un étrange sentiment à la fin de La Mule d'avoir apprécié non pas les qualités intrinsèques d'un film mais plutôt cette dimension testamentaire, extérieure. Ces révélations, où l'homme supplante le personnage, donnent donc les meilleures scènes.


Néanmoins, certains intentions de Clint Easwtood réjouissent, comme celle de ne pas "moraliser" son film, leitmotiv de son œuvre plus globalement. Et toujours ce parti pris libertaire, dégagé de tout, qui lui aussi fait plaisir et tranche avec les scrupules d'un cinéma contemporain parfois trop timoré sur la réception critique de son propos.


La Mule est un film en demi-teinte, crépusculaire mais pas trop, plaisant mais banal. Clint Easwtood phagocyte l'entièreté de l'image, quitte à oublier en chemin des éléments (quid de Julio ? Introduit comme un élément important puis complètement zappé. Le personnage de Bradley Cooper schématique et désincarné), et si nous ne gardions pas pour lui un attachement particulier, comme un petit pincement au cœur ressenti devant l'écriture en direct des mémoires sur pellicules d'un géant, peut-être serions-nous, nous aussi, Impitoyable... 

Liverbird
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le 3 avr. 2019

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Liverbird

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