The Boogeyman's night of Haddonfield - La nuit des frissons

" Les âmes les plus sombres ne sont pas celles qui choisissent de se terrer dans l'enfer des abysses, mais celles qui décident de se libérer des tréfonds pour se glisser en silence parmi nous." Docteur Samuel Loomis ("Halloween", 1978).


Deux ans après le remarquable et intemporellement culte "Assault on precinct 13" (Assaut, 1976), son premier chef d'œuvre, Carpenter réitère avec son troisième film en 1978, "Halloween" (traduit par "La Nuit des masques" en France), qui marque son arrivée dans le cinéma d'épouvante-horreur. Véritable admirateur du film d'Hitchcock, "Psycho" (Psychose, 1962), Carpenter décide de lui rendre hommage en s'en inspirant pour réaliser son projet initialement baptisé " The Babysitter murders". "Halloween" va ainsi s'inscrire comme étant l'œuvre qui a réellement lancé la mode du "slasher" (film mettant en scène les meurtres d'un serial killer/ tueur psychopathe, souvent masqué, qui s'en prend à des jeunes, la plupart du temps fornicateurs, en cherchant à les éliminer un par un). En effet, quatre ans auparavant, en 1974, Tobe Hooper et Bob Clark proposaient déjà leur vision d'un genre horrifique nouveau avec "The Texas Chainsaw Massacre" (Massacre à la tronçonneuse) et Black Christmas, deux œuvres cultes fondatrices du "slasher" tout comme l'était déjà "Psycho".


Avec un budget de 325 000 dollars (contre 100 000 pour "Assaut") et un tournage "express", Carpenter s'engageait dans le pari risqué de faire un film rentable à succès (chose qui se produira par la suite : 47 000 000 $ de recettes totalisées aux États-Unis !). Mais avec sa maîtrise de la caméra et ce minimalisme qui lui est propre ( on retiendra particulièrement la scène d'ouverture tournée en un plan séquence, en vue subjective, nous plongeant dans la peau de Michael Myers, alors enfant ), il séduira et influencera toute une génération de cinéastes dès les années 1980 avec les sagas "Friday the 13 th" (Vendredi 13) et "Nightmare on Elm Street" (Les griffes de la nuit) entre autres.


Carpenter insère dans son film une dimension fantastique (image du Diable, de la Mort) et surnaturelle (force surhumaine) dans le personnage de Michael Myers, "The Shape", l'iconique boogeyman (croquemitaine) au masque blanc inexpressif, vêtu d'une tenue de garagiste et d'un couteau de boucher. En effet, ce dernier n'est autre que la personnification, l'incarnation du Mal venant perturber la paisible ville d'Haddonfield pour répandre un climat de terreur et poursuivre sa quête obsessionnelle, quinze ans après le meurtre de sa sœur Judith.


Jamie Lee Curtis (fille de Janet Leigh, célèbre victime de Norman Bates dans Psychose), incarne l'élément clé du film, en interprétant Laurie Strode, une jeune lycéenne belle, studieuse, intelligente, réservée (l'image de la fille parfaite, non ?), qui fait du baby-sitting. Son innocence fait qu'elle deviendra rapidement la cible de Michael Myers avec ses amies Lynda et Annie, dans une traque qui s'annoncera sanglante.


Soucieux de la réussite de son film, Carpenter a une nouvelle fois (après "Assaut"), exposé son talent en décidant de composer lui-même la bande originale. Sa "touche personnelle" très efficace, rend l'intrigue plus prenante et angoissante. Le thème musical principal devient immédiatement culte et contribua en grande partie à la réussite publique et critique du film. En effet, comment ne pas associer "Halloween" à sa célèbre musique ?


Chaque scène où l'on aperçoit le tueur masqué, est un moment d'anthologie. Le fait que Michael Myers arpente tranquillement Haddonfield sans que personne ne le remarque à part Loomis, Laurie et Tommy (le petit garçon gardé par Laurie) rend sa présence vraiment "flippante", comme si une sorte de démon était constamment présent et qu'il se manifestait le moment venu.


Les scènes qui m'ont le plus marquées sont notamment celles de la confrontation entre Michael Myers et Tommy dans l'école, la scène du meurtre du petit ami de Lynda et le face à face final dans la maison entre Laurie et Myers, où Laurie découvre les corps de ses amies.


La relation entre Michael Myers et Laurie Strode est je trouve intéressante. L'idée de base était de faire de Laurie, la principale cible de Myers, une victime potentielle et rien de plus, qui devait être celle qui lui résiste. Mais dans un moment de pression face au succès inattendu du film, Carpenter fut rapidement convoité pour écrire la suite, qui sortira trois ans plus tard ("Halloween 2", 1981). Ainsi germa la décision très controversée du lien familial entre les deux personnages (qui sera repris jusqu'en 2009). Pourquoi pas ! Le fait que Laurie soit la sœur cadette de Michael Myers, qui a échappé à la nuit meurtrière perpétrée par son frère, reste assez crédible. Cela pourrait expliquer (de manière très poussive, certes) l'acharnement de Myers envers Laurie.


Il faut quand même prendre du recul avec cela, car la saga a malheureusement subi (après "Halloween 2"), une dégringolade pitoyable (du moins jusqu'en 2007 avec le très bon remake de Rob Zombie avant la "suite-reboot" du film original, en 2018, marquant de manière respectueuse et honorable la renaissance de la saga et le grand retour de Carpenter).


Bref, comment ne pas être fasciné par ce film ? Et bien il faut avouer qu'en le redécouvrant au cinéma ( magnifique version restaurée en 4K), je suis resté bluffé par la qualité des plans et de la réalisation en général. Toute la magie du cinéma de "Big John", réside dans le fait que chaque détail a son importance (musique, décors, accessoires, dialogues…). Par ailleurs, rarement un film d'horreur nous procure de telles sensations.


L'arrivée de Loomis à la fin du film, qui abat Myers de 6 balles dans le corps, et qui après quelques secondes de soulagement, s'aperçoit qu'il ne gît plus au sol, nous montre bien toute la virtuosité de Carpenter qui donne au boogeyman une invulnérabilité à la fois mystérieuse et effrayante. En effet, se débarrasser (complètement) du Mal est un combat qui s'avère des plus compliqués pour l'être humain.


Ainsi, avec "Halloween", Carpenter rentre directement dans l’histoire du cinéma, en signant un chef d’œuvre du genre, une référence qui, grâce à sa mise en scène innovante, sera maintes fois imitée mais jamais égalée.

P-Alex
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le 21 oct. 2018

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P-Alex

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