Cette critique fait partie de la liste "John Capenter: The Prince of Darkness"
https://www.senscritique.com/liste/John_Carpenter_The_Prince_of_Darkness/1608951
et "The Shape".
https://www.senscritique.com/liste/The_Shape/1724601


31 Octobre 1963, Haddonfield, Illinois.


La nuit a déjà fait tomber son rideau de Ténèbre sur la ville et quelques ombres mouvantes se dessinent ça et là, sur les façades éclairées des maisons. Le quartier semble désert, mais peut-être est-ce dû au fait que toute la jeunesse s'est rendue au centre-ville, se rassemblant pour évoquer un lointain rite païen connu sous le nom de Samhain.
Ces festivités célébrant la fin des moissons et le début du solstice d'hiver, étaient marquées par des bûchers lors de grands banquets réunissant les trois classes sociales ( guerrière, artisanale et sacerdotale), un peu partout dans les campagnes.
Mais de tout cela, l'inconnu camouflé dans l'ombre d'un arbre ne le savait pas, et son esprit simple n'en avait retenu que la déclinaison actuelle, la fameuse fête d'Halloween.
Il se tient en face d'une maison de modeste allure, dans un quartier tranquille de la middle class. Par la vitre de la porte d'entrée, l'observateur voit un couple d'adolescents folâtrer sans aucune gêne.
Il avance alors droit vers le perron, tandis qu'un hibou exprime son désaccord et que les grillons stridulent sans interruption. Le voyeur stoppe net à quelques pas de l'entrée et regarde fixement les deux jeunes insouciants, qui s'embrassent et rigolent. Puis ceux-ci se dirigent vers la droite et notre inconnu les suit du regard, par fenêtres interposées.
Parvenu à celle se trouvant sur la façade est, il épie le jeune couple, qui batifole dans le canapé. Le jeune homme s'assure auprès de sa conquête, que les parents de celle-ci sont bien de sortie. Celle-ci lui répond que oui.
Le mâle enfile alors un masque de clown et taquine la femelle, dans une parade amoureuse risible. Vite lassé par ce petit jeu, le gars laisse tomber son masque et propose à la fille d'aller continuer leurs péripéties à l'étage. Et celle-ci d'y répondre favorablement.
Ils se précipitent donc dans les escaliers menant au premier niveau.


L'individu retourne vers l'entrée et lève son regard vers la première fenêtre de l'étage et lorsque la lumière s'éteint, il longe toute la façade Est et contourne la petite bâtisse par l'arrière. Il se glisse alors dans la maison qui semble déserte - du moins au rez-de-chaussée - et traverse la cuisine sans faire de bruit. L'inconnu trouve l'interrupteur sans hésitation et l'actionne; Une lumière pâle et froide inonde la pièce.
L'étranger ouvre alors un tiroir et y trouve un couteau de boucher. Il le brandit à hauteur de son visage et va plus avant dans la maison. Passant par le salon, il jette un bref coup d’œil sur le canapé - dont le coussin aplati rappelle la présence du couple, il y a de ça une paire de minutes- puis continue son chemin à pas de loup. Apercevant le vestibule, il s'apprête à s'y engager lorsque retentit la voix du jeune mâle. Celui-ci semble sur le point de s'en aller.
L'intrus se fond donc dans un recoin de Ténèbres et attend. Son cerveau reptilien lui intime de ne pas bouger et d'attendre le moment opportun.
L'adolescent qui accompagnait la fille lui dit un dernier mot et disparait au-dehors, tandis que celle-ci remonte prestement.
Le personnage sans âme surgit alors de l'ombre et fait face à la volée de marche menant à l'étage. Le chemin est dégagé et il entend la voix féminine fredonner là-haut, dans la chambre.
La forme humaine gravit lentement l'escalier, ses pas étant couverts par l'horloge du salon qui sonne les 12 coups de minuit.
Une fois arrivé sur le palier du premier étage, il tourne sur la droite et son regard accroche alors une forme sur le sol: le masque de clown.
L'être sans âme enfile ledit masque sur son visage, traverse ce qui semble être une chambre d'enfant et arrive dans celle qui y est contiguë.
Ses yeux se pose d'abord sur le corps à demi-nu de la fille - qui ne l'a pas vu et qui continue à se brosser les cheveux en fredonnant - puis sur le lit défait, qui témoigne qu'une certaine activité vient de s'y passer.
Puis la créature masquée se rapproche de la fille et celle-ci fait soudain volte-face:
-Michael !, dit-elle désagréablement surprise, en se cachant maladroitement la poitrine nue.
Et alors, il frappe!
La jeune fille reçoit un coup de couteau, puis un autre, puis un autre...La malheureuse laisse échapper des cris de souffrance, tandis que l'arme la pénètre violemment.
Le tueur observe la grande lame faire des va et vient, puis la fille s'effondre enfin, couverte de son propre sang.
L'assassin au masque sort de la chambre en respirant bruyamment, redescend les escaliers et franchit la porte d'entrée en une seule traite. Une fois rendu dans l'allée, une voiture s'arrête le long du trottoir et deux adultes en sortent.
-Michael?, dit la voix interloqué de l'homme, en lui enlevant son masque.
Le meurtrier a toujours le couteau ensanglanté dans la main et son visage exprime la confusion.
Il s'appelle Michael Myers.
Il a 6 ans.


Placé dans un institut psychiatrique, il sera suivi par le Docteur Loomis. Celui-ci tentera par tous les moyens d'appréhender le fonctionnement de cet enfant malade, mais il devra se rendre à l'évidence. Michael Myers n'est que le Mal à l'état pur.
Point.


15 ans plus tard, celui-ci s'évade et retourne à Haddonfield.
Il a quelque chose a terminer et il compte bien y arriver.
Cette nuit d'Halloween 1978 restera à jamais gravée dans les annales de la petite ville, comme étant" la nuit Myers..."


Quelques palabres express sur la genèse, pour ceux qui ne le sauraient pas encore.


C'est au producteur Irvin Yablans que l'on doit le concept de départ: des meurtres de babysitter (d'ailleurs, The Babysitter Murders fut le premier titre envisagé) par un tueur en série. Yablans - qui avait déjà produit Assault On Precinct 13 - apporte l'idée à John Carpenter. celui-ci s'attelle alors à la rédaction du scénario en compagnie de Debra Hill (The Fog, Escape From N.Y, Dead Zone).


Certains noms des personnages se réfèrent à des personnes réelles (+ une fictive):



  • Michael Myers était le nom du distributeur britannique du précédent film de Big John, Assaut On Precinct 13,

  • Laurie Strode n'était autre qu'une ex de Carpenter,

  • Ben Tramer était un pote de John,

  • Leigh Brackett (Sheriff) fait référence à la scénariste attitrée d'Howard Hawks (le mentor de Carpenter)

  • Haddonfield(New Jersey) est la ville natale de Debra Hill (ainsi que celle de Spielberg et de Joanna Cassidy),

  • quant à Sam Loomis, c'est un deuxième clin d'oeil à Psycho (après Jamie Lee - pour "Leigh" - Curtis, car fille de Janet Leigh), puisque le nom du petit ami de Marion Crane...


    Et quand à l'idée de génie du titre définitif, c'est à nouveau Yablans qui y pense le premier. Il s'était dit en effet que cette référence directe à la fameuse fête parlerait beaucoup plus au public cible, soit les teeenagers.
    Pas con, le mec...



Une fois embauché le regretté Donald Pleasance pour 6 jours de tournage et débusqué Jamie Lee Curtis , ne reste plus qu'à trouver l'interprète de The Shape.
Il se trouva que le complice de Big John, Nick Castle (également membre de son groupe musical The Coupe De Villes) rendit une visite amicale sur le tournage du film et que Carpenter lui proposa tout simplement d'enfiler le fameux masque Shatneresque, juste pour voir...Et voilà, Castle devint The Shape.
Cela dit, Debra Hill devint aussi Myers le temps d'une courte scène (le gamin tuant sa soeur au début), tout comme le cascadeur James Windburn (la chute par la fenêtre à la fin), Tommy lee Wallace (couteau Suisse de la prod) et même Carpenter himself (des plans de coupe pour ces deux derniers).


Bref, un tournage rapide et cheap (300.000$) qui engrangera pas moins de 70M$ !


Je vais maintenant m'attarder brièvement sur la réalisation magistrale de Big John et sur le découpage efficace de Tommy Lee Wallace (qui réalisera plus tard le mésestimé Season of the Witch: Halloween III) et Charles Bornstein, sous l’œil complice de Carpenter.


Rien qu'à elle, la scène d'introduction nous présente donc le point de vue d'une personne inconnue, qui surgit de derrière un arbre et se dirige vers une maison. Nous ne savons pas qui il est, mais nous nous doutons déjà que nous avons à faire à un être malfaisant.
Dean Cundey éclaire de manière assez naturelle, cette progression dans le clair-obscur de cette nuit d'Octobre.
La Steadycam nous place en tant que voyeur et nous suivons donc les actions insouciantes de ce jeune couple qui s'imagine être coupé du monde. Ils plaisantent, se touchent, s'embrassent...
Continuant à les épier, nous/le cadre sommes témoins de cette scénette tout à fait banale.
Après quelques badinages, ceux-ci s'éclipsent à l'étage et nous nous assurons qu'ils sont bien arrivés dans la chambre. Une fois sûr de ce fait, nous contournons la maison, prenons un couteau, nous cachons du jeune homme qui repart, puis partons accomplir notre destinée.
La fille nue nous reconnait mais nous - en tant que spectateur/voyeur - ne savons pas qui nous sommes.
Et lorsque la séquence prend fin, nous sommes horrifiés de voir que c'est un garçonnet qui vient de poignarder sa sœur à plusieurs reprises et ce, sans aucun motif.


Plus tard, The Shape fera montre du don d'ubiquité puisqu'il apparaitra aléatoirement qui sur le trottoir, qui derrière le linge à l'extérieur, qui derrière une porte vitrée...


Carpenter fait de son tueur une sorte de cauchemar ambulant, qui occupe le moindre espace du cadre et ce, même quand il n'est pas visible.
Comme le requin de Jaws, Myers possède son thème annonçant son apparition à l'écran. Et comme dans le film de Spielberg, nous sommes conditionnés par cette musique. Et dès lors que The Shape apparait sans que le motif musical ne nous ait avertis, nous sommes pris au piège.


L'apparence de Myers (bleu de travail et masque blanc) passe inaperçue puisque c'est la fête d'Halloween et que c'est l'unique moment de l'année, où n'importe qui se déguise avec n'importe quoi !
Le visage lisse et inexpressif reflète parfaitement la psyché de Myers, sorte de machine programmée pour tuer, rappelant le robot/ Yul Brynner dans Mondwest, qui inspirera ensuite le futur T-800 de Cameron qui sortira 6 ans plus tard.
Boogeyman ultime, The Shape se fond dans le décor et semble invincible, au vu de tout ce qu'il endure.
N'expliquant aucunement le pourquoi du comment, le scénario de Carpenter et de la regrettée Debra Hill (sa compagne à l'époque) préfère le mystère à l'exposition bavarde et inutile.


Preuve éclatante que "lesser is better", Halloween marquera définitivement le cinéma d'horreur pendant des années et sera maintes fois copié, mais jamais égalé.


Big John was here !

Créée

le 17 oct. 2017

Critique lue 374 fois

12 j'aime

11 commentaires

The Lizard King

Écrit par

Critique lue 374 fois

12
11

D'autres avis sur La Nuit des masques

La Nuit des masques
DjeeVanCleef
9

La nuit des Masques.

Rappel des faits, 1978, voulant sans doute rendre hommage à sa manière au Maître Alfred Hitchcock ( on pense forcément à De Palma ou Argento du coup, mais il cite aussi volontiers, "Frankenstein" ou...

le 7 avr. 2013

86 j'aime

20

La Nuit des masques
B_Jérémy
10

Les prémisses du boogeyman

La première fois que je l’ai vu, il y a de 15 ans de cela, on m’a dit que cet enfant n’avait plus ni raison, ni conscience. Qu’il ne réagissait plus aux choses les plus rudimentaires comme la vie...

le 10 nov. 2018

70 j'aime

22

La Nuit des masques
Ze_Big_Nowhere
9

Le croque-mitaine dans le miroir

Une caméra subjective, un regard qui court sur les meubles, les objets. Un regard enfermé derrière un masque qui ouvre les tiroirs, s'empare d'un couteau de boucher puis monte des escaliers. Une...

le 18 nov. 2014

67 j'aime

13

Du même critique

Halloween Kills
Franck_Plissken
8

Reflect: The Shape on Myers

Après le succès du H40 (2018), le duo Green /McBride se mirent à l'écriture du chapitre suivant dans l'optique de filmer Halloween Kills et Halloween Ends à la suite, pour économiser les coûts. Mais...

le 15 oct. 2021

34 j'aime

24

Get Out
Franck_Plissken
8

Puppet Masters

Impressionnant... Œuvre maitrisée avec un excellent Daniel Kaluuya sous l’œil avisé de Jordan Peele, Get Out nous plonge très rapidement dans un malaise diffus et ce, dès lors que le couple...

le 11 mai 2017

33 j'aime

22